Par: Prof. YAV KATSHUNG JOSEPH
I. LIMINAIRES
L’opinion se souviendra que l’organisation non gouvernementale de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) avait au mois de novembre 2008 publié un Rapport de 96 pages intitulé « On va vous écraser » et sous-titré « La restriction de l’espace politique en République Démocratique du Congo ».
Il ressort dudit rapport qu’au cours des années 2006, 2007 et 2008, le Pouvoir issu des élections en République Démocratique du Congo (RDC) a délibérément violé les droits humains ou libertés fondamentales au point de tuer ou exécuter des opposants et d’en incarcérer.[1] Le lendemain, les réactions sont allées dans tous les sens, surtout du côté de la coalition gouvernementale.
En effet, le 1er décembre 2008, le Président de la République avait reçu les bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Au sortir de l’audience, le président de l’Assemblée Nationale de l’époque –Vital Kamerhe- avait reconnu avoir reçu le rapport et entrevoyait la possibilité d’une mission d’enquête parlementaire.
Quant au porte-parole du Gouvernement, le Ministre Lambert Mende, il avait qualifié ces « accusations d'exagérées et de sans fondement ». Tout en affirmant néanmoins que la justice congolaise était prête à condamner les auteurs de ce genre d'acte si des preuves étaient établies. Une année après, peut-on connaître la suite réservée à ce rapport ? La situation a -t –elle évolué dans l’entre-temps ?
La situation des défenseurs des droits humains et des journalistes semble indiquer que le pire n’est pas encore derrière nous. Les informations et nouvelles les plus récentes viennent malheureusement confirmer chaque jour, le diagnostic donné dans le rapport de Human Rights Watch. D’où l’intitulé de cette réflexion -interpellation « On va vous écraser » : La chasse aux défenseurs des droits humains au Congo ? pour fustiger et dénoncer un certain comportement dans le chef de certains animateurs et acteurs directs et/ou indirects des institutions et services de l’Etat qui agissent en marge des règles de l’Etat de droit, pierre angulaire de la démocratie.
II. LES DEFENSEURS DES DROITS HUMAINS : UTILES MAIS EN DANGER
Les défenseurs des droits humains, ou militants des droits humains, sont des personnes qui, agissent de multiples façons et à différents titres pour protéger et promouvoir les droits humains.
Ils s’efforcent de réduire le fossé entre, d’un côté, la justice et l’égalité promises dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et, de l’autre, la réalité des violations des droits humains telle qu’elle est vécue aujourd’hui.
C’est en effet le 9 décembre 1998 que les États membres de l’ONU ont reconnu comme tels le droit de défendre les droits humains et, par extension, le devoir qui leur incombe de protéger les défenseurs de ces droits et de rendre possible leur action.
Ainsi, l’expression défenseur des droits humains est de plus en plus utilisée.[2] Tout individu peut être un défenseur des droits humains, quel que soit le métier qu’il exerce: les défenseurs des droits humains se définissent avant tout par leur action, et non par leur activité professionnelle.[3]
À l’heure où le monde se prépare à célébrer le 11e anniversaire de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme , le 9 décembre 2009, la situation des défenseurs des droits humains en RDC n’est pas rose. En effet, bien que le droit international protège désormais les défenseurs des droits humains, l’action qu’ils mènent leur vaut toute une série de problèmes. Ils sont menacés de mort et torturés; persécutés et poursuivis en justice; réduits au silence par une législation restrictive; victimes de disparition ou de meurtre.
Les militants qui permettent des avancées dans les droits humains sont souvent les plus exposés au danger, à la moquerie et à la résistance. Ils s’attirent les foudres des puissants lorsqu’ils remettent en cause la distribution des ressources économiques et demandent que ceux dont les actions accroissent la pauvreté et les inégalités soient davantage soumis à l’obligation de rendre des comptes.
C’est pourquoi ils ont besoin de nous tous.
Des méthodes usitées pour « écraser » les défenseurs des droits humains
· Des arrestations –détentions arbitraires et « simulacres » de procès
L’on peut dans ce chapitre d’arrestations - détentions et simulacres de procès citer les cas de Golden Misabiko au Katanga et de Robert Ilunga Numbi à Kinshasa. En effet, au Katanga, dans la capitale du cuivre –Lubumbashi-, le 24 juillet 2009, Golden Misabiko, président de l’ASADHO/Katanga avait été arrêté par l’Agence Nationale de Renseignement (ANR/Katanga), à la suite de la publication par son organisation d’un rapport sur l’exploitation artisanale de la mine uranifère de Shinkolobwe dans la province du Katanga, en violation du décret présidentiel nº 04/17 du 27 janvier 2004.[4] Le 25 juillet 2009, il sera transféré du cachot de l'ANR vers le Parquet du TGI de Lubumbashi. Le 20 août 2009, le Tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo ordonnera la libération de Golden Misabiko sous caution, suite à la demande de mise en liberté provisoire introduite le 19 août par ses avocats, invoquant l'état de santé précaire de Golden Misabiko et contre l'avis du Parquet. À ce jour, l’on attend le verdict car, il est poursuivi pour « propagation de faux bruits de nature à alarmer les populations et exciter celles-ci à se soulever contre les pouvoirs établis ».
Dans la capitale Kinshasa, Robert Ilunga Numbi, le président de l’ ONG «Les Amis Nelson Mandela» fut arrêté le 31 août 2009 et détenu pendant neuf jours par l’Agence Nationale de Renseignement (ANR). Il fut transféré respectivement au Parquet Général de la République, en date du 08 septembre 2009, et au Parquet Général de Kinshasa/Gombe le 09 septembre 2009. Ce dernier l’a mis sous mandat d’arrêt provisoire, pour « propagation de faux bruits et diffamation à la suite de la publication par son ONG d’un rapport dénonçant les conditions de travail déplorables des travailleurs de la société SGI à Kasangulu dans la province du Bas-Congo ». Depuis le 11 septembre 2009, il est détenu au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK).
· Des SMS et Emails de menaces de mort et d’intimidations
À Bukavu, Kizito Mushizi, Directeur de la Radio Maendeleo lance une alerte en date du 10 septembre 2009 que trois journalistes féminines – Kadi Adzuba et Delphine Namuto de la Radio Okapi et Joly Kamuntu de la Radio Maendeleo – viennent de recevoir une menace de mort anonyme par SMS libellée ainsi (traduction): «Vous avez pris les mauvaises habitudes de vous immiscer dans ce qui ne vous regarde pas pour montrer que vous êtes intouchables, maintenant certains d'entre vous vont mourir pour que vous la boucliez. Nous venons d'avoir l'autorisation de commencer par Kadi; puis Kamuntu puis Namuto: une balle dans la tête».[5]
À Lubumbashi, des animateurs d’ONG font l’objet des menaces de mort très précises consécutives à leur engagement en faveur de la libération de Golden MISABIKO président en exercice de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme(ASADHO/Katanga) et l’abandon de toute poursuite contre les défenseurs des droits de l’homme dans l’exercice de leur mission.[6]
En effet, c’est en date du 16 septembre 2009 vers 21 heures que Messieurs Grégoire MULAMBA, Secrétaire Exécutif du CDH, Timothée MBUYA, Vice Président de l’ASADHO/Katanga et Emmanuel UMPULA, Directeur exécutif de l’ACIDH ont reçu chacun les mêmes messages en provenance de même numéro téléphonique (00243 993244757) et dont les contenus sont les suivants :
- « Ton Chef, on l’a déjà déclassé et il reste toi et trois autres ».
- « Vous pensez être plus malin. Saches que ce ne pas fini. On verra quand vous serez tous mort comme certains journalistes si vous ferrez encore des marches ».
- « On connaît où tu habites à Kampemba. Tu es le deuxième sur notre liste »
- « Nous allons nous occuper de toi même si tu as des petits appuis ».
- « Votre chef de file est déjà condamné et vous êtes le suivant ».
Cet épisode me rappelle un email que j’ai reçu, il y a peu en rapport avec le travail du « Contrôle Citoyen »[7] en ces termes : « Monsieur, vous pouvez vous permettre certains excès, croyant que l'UNESCO vous sera un jour d'un grand secours à la Arthur Zahidi Ngoma; rappellez vous toutefois le dicton de chez nous a Lubumbashi: « bahati ya muiko yako si yako »!
III. LES « ECRASER » SERAIT VIOLER LES OBLIGATIONS DE LA RDC AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS HUMAINS
Comme l’on peut le constater à travers ces quelques cas, il est clair que de plus en plus, l’on fait recours à la justice pour légitimer des actes ignobles et dégradants à l’endroit des défenseurs des droits humains. Ainsi, c’est l’infraction « fourre-tout » de « propagation de faux bruits et de diffamation » qui est l’arme fatale usitée pour réduire les défenseurs des droits de l’homme au silence, et anéantir toute critique contre la gestion du gouvernement ou contre le comportement de certains « intouchables ».[8]
Il sied ici de rappeler que la RDC est Etat partie à plusieurs instruments internationaux et régionaux des droits humains. Le harcèlement dont les défenseurs des droits de l’homme font l’objet de la part des services de sécurité ainsi que de la justice à cause de leur travail pourtant garanti par la Déclaration de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 09 décembre 1998 ainsi que les crimes commis par les agents et forces de sécurité congolaises, à savoir les exécutions sommaires, les arrestations arbitraires, les détentions sans jugement, et les actes de torture et les traitements inhumains, constituent des violations des obligations de la RDC au regard du droit international relatif aux droits humains, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), que la RDC a ratifiée en 1976 ; la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, que la RDC a ratifiée en 1987 ; et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la RDC a ratifiée en 1996. Sur le plan interne, ces actions à l’encontre les défenseurs des droits humains violent aussi les droits fondamentaux établis par la Constitution, qui est entrée en vigueur le 18 février 2006.
IV. QUE CONCLURE ? APPLIQUER LA « TOLERANCE ZERO » EN CAS DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS !
De plus en plus, l’on entend parler de la politique de la « Tolérance Zéro » en RDC et la population attend avec impatience voir ses effets. En effet, la tolérance zéro est une doctrine visant à punir sévèrement les délinquants à la moindre infraction à la loi. La tolérance est ainsi réduite à zéro, il n'y a aucune circonstance atténuante.
Cette théorie se base sur deux postulats : Si le responsable d'une infraction n'est pas condamné immédiatement, il est incité à récidiver ; Si les responsables d'infractions ne sont pas condamnés pour chaque infraction avec toute la sévérité que la loi autorise, ils vont progressivement dériver du petit délit au crime.
En acceptant cela, la seule façon d'empêcher la récidive et l'escalade des infractions est d'agir immédiatement à chacune d'entre elles. En condamnant immédiatement les responsables, on persuade ces derniers que toute action contre la société entraîne une réaction immédiate et le sentiment d'impunité disparaît. Plusieurs pays appliquent cette méthode depuis longtemps, et la RDC vient de la proclamer. Espérons que cette politique ne se limiterait pas en un slogan creux ou en un vœu pieux. Il est donc utile que le gouvernement congolais et ses démembrements appliquent la « tolérance zéro » dans tous le secteurs y compris celui des droits humains, en les respectant et en protégeant les défenseurs des droits humains. Sinon, l’on n’hésiterait pas à qualifier cela d’un mauvais signal pour la tolérance zéro. Tel semble être le cas avec les affaires relevées supra qui témoignent d’une volonté manifeste d’écraser les défenseurs des droits humains et les journalistes. Bien plus, devant la gravité de la violation des droits humains en RDC, plusieurs ONG de défense des droits de l’homme publient de rapports accablants mettant à nu la responsabilité du gouvernement, et par lesquels ces faits répréhensibles sont dénoncés. Pendant que l’on s’attend à la prise de mesures adéquates pour faire cesser ce régime de négation de la dignité humaine et dans la poursuite de l’action gouvernementale « tolérance zéro », le gouvernement par ses « apparatus » - au gouvernement central et/ou provincial- remettent tout en cause par la tenue de propos combien déconcertants et dénigrant à l’endroit des ONG et des défenseurs des droits humains. Un mauvais signal pour la tolérance zéro et une volonté manifeste d’écraser les défenseurs des droits humains.
À tous, nous rappelons que toute personne a la responsabilité de protéger les droits humains. Comme l’affirme la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme:
«Quiconque risque, de par sa profession ou son occupation, de porter atteinte à la dignité de la personne humaine, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales d'autrui doit respecter ces droits et libertés et se conformer aux normes nationales ou internationales pertinentes de conduite ou d'éthique professionnelle.»
Ceux qui ont pour métier de défendre les droits humains ont certes de grandes compétences et une solide expérience, mais la défense des droits fondamentaux est accessible à tout un chacun. Nous avons tous le potentiel nécessaire pour devenir des défenseurs des droits humains. Mettons la main à la pâte pour que la tolérance zéro rime avec le respect des droits humains en RDC !
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[1] Lire le dossier de 96 pages, "'We Will Crush You': The Restriction of Political Space in the Democratic Republic of Congo" (« 'On va vous écraser' : La restriction de l'espace politique en République démocratique du Congo »), ici : http://tinyurl.com/64c6kn
[2] Depuis que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration des Nations Unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme).
[3] Certains sont avocats spécialisés dans les droits humains, journalistes, syndicalistes ou experts en matière de développement. Mais un fonctionnaire local, un policier ou une personnalité qui s’engagent publiquement en faveur du respect des droits humains sont aussi des défenseurs des droits humains.
Les défenseurs des droits humains agissent seuls ou en collaboration avec d’autres, à titre professionnel ou personnel. Pour beaucoup, la défense des droits humains s’inscrit dans le cadre d’un engagement existant; mais d’autres deviennent militants à l’occasion d’une action spécifique.
[4] Les charges retenues contre Golden Misabiko sont liées à un rapport publié le 12 juillet par l'ASADHO/Katanga au sujet de la mine d'uranium de Shinkolobwe. Selon ce rapport, des responsables civils et militaires se sont rendus complices de l'exploitation illégale de la mine de Shinkolobwe après que le gouvernement a fermé celle-ci en janvier 2004 pour des raisons ayant trait à la sûreté de l'État et à la sécurité publique. Il indique également que les autorités de la RDC n'ont pas fait le nécessaire afin de sécuriser la mine. Par ailleurs, il critique le manque de transparence à propos d'un accord passé le 26 mars entre le gouvernement et l'entreprise française AREVA, spécialisée dans l'énergie nucléaire, qui accorde à celle-ci le droit de prospecter et d'extraire de l'uranium en RDC.
[5] Cette menace arrive deux semaines après l’assassinat de Bruno Koko Chirambiza, présentateur du journal en Swahili à Radio Star (privée). Bruno, 24 ans, a été poignardé peu après minuit le 23 août. Cet homicide intervient après ceux de Didace Namujimbo (novembre 2008), de Serge Maheshe (juin 2007) et Pascal Kabungulu (juillet 2005). L’assassinat de Bruno et les menaces contre Kadi, Delphine et Joly s’inscrivent dans une détérioration rapide de l’insécurité des journalistes et des défenseurs des droits humains. Lire, l’éditorial d’Echos Grands Lacs, EURAC, « Journalistes et Défenseurs des Droits Humains: la chasse est ouverte », N° 57 – Septembre 2009
[6] Action urgente: Menaces de mort contre 4 ONG de Lubumbashi, RD Congo, Lubumbashi, le 17 Septembre 2009
[7] Le Contrôle Citoyen de la RDC, www.controlecitoyen.com
[8] Lire dans ce sens, le communiqué de Presse de l’ASADHO, N°031/2009 du 14/09/2009
mercredi 23 septembre 2009
mardi 7 juillet 2009
LA « DECENTRALISATION – DECOUPAGE » EN RD.CONGO : UNE TOUR DE BABEL ?
Prof. Dr. YAV KATSHUNG JOSEPH
I. Liminaires
Lorsque les Grecs demandèrent à Solon de leur donner une constitution, celui-ci répondit à la forme interrogative : « pour quel peuple et quelle époque ? ». En effet, une constitution se présenterait comme réponse à une attente. Mais elle répondrait à quelle dynamique sociale dans quelle dynamique historique, à quelle ordonnance du temps? Cette demande légitime d'une constitution faite par les Grecs pour régir leur société fut également formulée par le peuple de la République Démocratique du Congo (RDC), las de la politique de centralisation à outrance avec tout son cortège de malheurs.
En effet, après le « OUI » massif au referendum constitutionnel de décembre 2005, la RDC se dota d'une nouvelle Constitution promulguée le 18 février 2006 et ayant pour ambition de lui assurer à la fois la stabilité, l'efficacité de l'Etat ainsi que les libertés démocratiques créatrices d'idées et de progrès. Ainsi, la RDC a pris un tournant décisif dans le mode de gouvernance de ses provinces puisque les principes de l'Etat central fortement décentralisé ont été précisés comme fil conducteur pour le fonctionnement des institutions. Ladite constitution a décidé de l'élévation de certains districts actuels au rang de province. Dans cette veine, le 1er août 2008, le Président Joseph Kabila promulgua la loi organique sur la décentralisation, laquelle entérine la création de 26 provinces en RDC. Ladite loi organique fixe la composition, l’organisation et le fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces. Comme l’on peut s’en rendre compte, la promulgation de cette loi constitue une avancée dans le processus de décentralisation. Hélas sur papier diront certains !
En optant pour la « décentralisation - découpage » , la RDC n’innove pas. Plusieurs pays africains ont opté pour les réformes de décentralisation à la suite des crises économiques, sociales et/ou politiques qu’ils ont connu. Ainsi, la décentralisation n’est pas la dernière mode en matière de développement, mais représente une refonte radicale des relations entre l’Etat et ses citoyens suite à l’échec total d’une série de modèles de gouvernance qui confiaient des pouvoirs forts à un Etat central et souvent uni-partite, pour apporter la prospérité économique et la paix sociale.
Cependant, ce nouveau paysage institutionnel et l'émergence de nouveaux acteurs, et élus locaux a des répercussions sur le fonctionnement des institutions provinciales voire locales entraînant des changements dans le mode de fonctionnement des services techniques déconcentrés et des niveaux de concertation (provincial, territorial et local). Aussi, comme un fleuve irrigué par de nombreux affluents, de plus en plus l’on entend des voix s’élever pour ou contre le « découpage territorial », rappelant l’époque de la tour de Babel avec son cortège de divisions et d’incompréhensions. D’où l’intérêt de la présente réflexion qui entend cogiter sur les contours de la « décentralisation –découpage » en RDC et son appréhension pratique. Certaines contradictions seront relevées pour démontrer que la « décentralisation – découpage » comme il convient de l’appeler, semble être un couteau à double tranchant pour certaines provinces du pays. Au demeurant, la présente réflexion affirme - contre vents et marées - qu’il ne s’agit plus de décider si la « décentralisation – découpage » est une option, ou de ne pas la voir franchir l’étape du stade initial, mais plutôt de savoir comment la mettre en œuvre dans la pratique pour qu’elle puisse réaliser les objectifs qu’elle s’est fixés.
2. Bref aperçu historique sur la décentralisation en RDC
Comme dit supra, la décentralisation n’est pas un phénomène nouveau. Le terme a été utilisé dès le début des années 50, dans le cadre de nombreux programmes de réforme institutionnelle. Dans l’Afrique post-coloniale, par exemple, des essais de décentralisation ont été entrepris dans divers pays. Toutefois, beaucoup de ces tentatives sont restées vaines et n’ont pas tenu leurs promesses initiales.
En RDC, depuis l’époque coloniale, la question de la décentralisation est souvent apparue sous forme d’un débat sur la forme de l’Etat, Etat fédéral ou Etat unitaire. Ce débat commença, durant la période coloniale, avec l’Arrêté Royal qui regroupa les vingt deux districts du Congo en quatre provinces dirigées par un vice – gouverneur. Le pays, le Congo belge, étant lui-même dirigé par un Gouverneur Général. Malgré la centralisation du pouvoir, les premiers responsables des provinces furent soucieux de défendre leur province contre les exigences des autorités de l’administration centrale résidant à Boma, capitale de la colonie à l’époque. Inquiet de cette tendance, qui commença à se manifester clairement au lendemain de la première guerre mondiale, le Pouvoir central colonial, par l’Arrêté Royal du 29 juin 1933 décida une réorganisation administrative en vue de renforcer les pouvoirs du gouvernement central et ainsi réduire sensiblement ceux des provinces. On créa alors six provinces dirigées par des commissaires de provinces, hauts fonctionnaires, représentants du Gouverneur Général et chargés de l’exécution pure et simple de ses décisions. Par cet Arrêté, on passait d’un état unitaire relativement décentralisé à un unitarisme fortement centralisé.
Dans l’enfantement de l’indépendance - dont nous fêtons le 49eme anniversaire -, le premier texte constitutionnel qui, à sa naissance, a régi la RDC, appelé « Loi fondamentale », avait instauré une forme fédérale de l'Etat, un système de démocratie libérale représentative et un régime parlementaire. Les six provinces héritées alors de la colonisation constituèrent le cadre territorial et juridique des Etats fédérés. Cependant, cette première expérience fut dévoyée par la proclamation de deux sécessions et une crise institutionnelle majeure .
En 1964, une Constitution préparée, non plus dans le cadre du Parlement, mais au sein d'une commission neutre, fut présentée au référendum populaire et adoptée, dénommée « Constitution de Luluabourg », elle consacrait un régime présidentiel, une structure fédérale, une augmentation des provinces qui passait de 6 à 21. Malheureusement, elle n'a duré que le temps des dispositions transitoires !
Le coup d'Etat du 24 novembre 1965 imposa dès 1966, la fin de la démocratie pluraliste représentative, et la suppression de tous les mécanismes décentralisateurs qui laissaient à l'Etat du Congo un contenu fédéral. Le nombre des provinces fut réduit de 21 à 8. En d’autres termes, le Président Mobutu mit fin à l’autonomie des provinces dont le nombre passa d’abord de 21 à 12 et ensuite de 12 à 8 plus la ville de Kinshasa érigée en province. La représentation en Province fut dépouillée de tout caractère politique, les services propres des entités fédérées - dont les assemblées et les gouvernements provinciaux- furent supprimés, et les gouvernants des provinces furent considérés comme de simples administratifs, représentants soumis au pouvoir central. Toutefois, une réforme effectuée en 1982 fut ponctuée par la promulgation d'une loi organique portant décentralisation administrative. Autant dire qu'en 1997, à la chute du Président Mobutu, cette loi était pratiquement restée lettre morte.
En 1998, une réforme fut mise en place, au terme du décret loi 081 complété par d'autres initiatives ou plans gouvernementaux qui définirent une stratégie visant la décentralisation et fondée sur cinq axes : - la détermination du nombre d'entités décentralisées qui fut ramenée de 10 à 4 (la Province, la Ville, les Communes de l'agglomération de Kinshasa, le Territoire) ; - la création de conseils consultatifs ; - la viabilité des collectivités locales ; - les budgets des collectivités locales ; et - la répartition des responsabilités. Cependant, en 2003, la décentralisation n'était toujours pas appliquée selon les prescrits de ce fameux Décret-loi.
Le 18 février 2006, la RDC se dota de la Constitution de la troisième république. Aux termes de l'article 2 de ladite Constitution, la RDC est composée de la ville de Kinshasa et de 25 provinces toutes dotées de la personnalité juridique. Ces provinces sont : Bas-Uélé, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uélé, Ituri, Kasaï, Kasaï central, Kasaï oriental, Kongo-central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Maï-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-ubangui, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-ubangui, Tanganyika, Tshopo et Tshuapa. Il faudra noter que cette disposition constitutionnelle a élevé au rang de provinces plusieurs districts qui constituent les actuelles provinces. Puis suivra, le 1er août 2008, la promulgation de la loi sur la décentralisation territoriale et administrative qui prévoit fixe la composition, l’organisation et le fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces. Cet aperçu nous donne la photographie de la décentralisation depuis l’époque coloniale jusqu'à ce jour. L’on constatera qu’il y a actuellement une volonté de faire les choses différemment en rendant effective la décentralisation. Une question demeure cependant : la pratique suit-elle ce pas ? Tel est l’objet du point suivant.
3. La « décentralisation – découpage » en RDC : Du « Dire » au « Faire » ?
« Affirmer est une chose, mais réaliser en est une autre », dit-on. Il est certes vrai que l’on décriait le manque de cadre légal pour matérialiser la décentralisation en RDC bien que la Constitution l’eut instituée. C’est dans ce sens que dans son discours sur l’état de la Nation, fait au début du mois de décembre 2007, le Président Joseph Kabila mit l’accent sur le fait que « la loi sur la décentralisation était aussi importante et urgente car, d’elle, dépend le succès ou l'échec de l'une des innovations les plus prometteuses, mais aussi potentiellement les plus dangereuses, introduites aux termes de la nouvelle constitution. » . Aujourd’hui, cette question ne se pose plus car, la loi organique est bien là depuis 2008, mais les choses semblent toujours stagner. Du reste, cela a même transpiré lors de la première session de la Conférence des Gouverneurs de Province (CGP) tenue du 24 au 25 juin 2009 à Kisangani. Présidée de bout en bout par le Chef de l’Etat Joseph Kabila, ladite conférence a sur le plan politique, administratif, culturel, sécuritaire et judiciaire recommandé entre autres « le renforcement de l’Autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, l’accélération de la mise en œuvre de la Décentralisation, etc… »
Ainsi, il semble nécessaire de faire recours à un « enfantement par césarienne » de la décentralisation en RDC.
3.1. Les arguments et contre arguments de la « décentralisation – découpage » en RDC
Depuis l’annonce de la « décentralisation – découpage » en RDC, l’on constate l’émergence de deux camps opposés : l’un soutenant la « décentralisation –découpage » dans l’immédiat et l’autre s’exprimant par «oui » à la décentralisation mais « non » au découpage actuel et immédiat ». Dans cette veine, ils arguent que la population n’est pas prête pour le découpage. Et en réplique, le premier camp fini par s’interroger: « Qui en réalité est celui qui n’est pas prêt ? La population ou les opérateurs / manipulateurs politiques ?».
Face à cette dichotomie de position qui devient de plus en plus dévastatrice, ne pouvons-nous pas chercher une troisième « voix » et/ou « voie » ? C’est dans ce sens que d’aucuns peuvent même demander la nécessité d’une période d'apprentissage pour tous les acteurs afin que le processus de décentralisation trouve sa traduction dans de bonnes pratiques de gestion des affaires locales selon une démarche permettant l'implication du citoyen dans la vie publique locale. Mais une question demeure : ladite période d’apprentissage avec ou sans le découpage ? Nous donnerons plus loin, notre avis à ce sujet.
Toutefois, il faut reconnaître que la « décentralisation – découpage » laisse couler encre et salive peut-être pas encore le sang. Aussi, tout n’est pas que rose car en matière de décentralisation, des arguments de tout genre sont usités. Ainsi, du point de vue négatif, on peut argumenter que le processus de décentralisation est susceptible d’accroître les inégalités entre les provinces les plus pauvres et les plus riches d’un pays. Cela peut être le cas si la politique de péréquation fiscale n’est pas assez efficace pour empêcher les provinces les mieux dotées en ressources de bénéficier d’encore de revenus ; de déstabiliser l’unité nationale et déclencher des conflits politiques ou ethniques ; faciliter l’abus d’autorité ou la corruption des autorités locales et centrales et en faire des régimes locaux dictatoriaux ou des élites, etc.
Mais du point de vue positif, les raisons politiques avancées pour justifier ce « découpage territorial » mieux cette « décentralisation - découpage » , évoquent la nécessité et le souci de faire bénéficier à chaque habitant des conditions de vie améliorées. C'est dans cette optique que le législateur congolais, mû par ce souci du bien-être de tous les congolais, a trouvé nécessaire et utile de procéder au découpage politique et administratif du territoire national afin de rapprocher davantage les administrés de l'Administration , cela en vue de cerner les vrais problèmes de la population et en trouver des solutions urgentes et adéquates. Donc, le découpage territorial a été décidé de toute évidence dans le seul but d'accélérer partout le progrès économique et social de la population. Il va de soi que ce découpage territorial est une cause noble et l'objectif indiscutable. Mais, cela est-il perçu comme tel dans tous les coins de la RDC ? C’est la grande question qu’il sied d’adresser.
3.2. La province du Katanga et son cortège de controverses sur la « décentralisation – découpage » en RDC
La décentralisation envisagée en RDC rencontre des pesanteurs qui font que l’urgence de l’application de cette politique est diversement appréciée. Pour nous en convaincre, nous faisons recours à la situation de la province du Katanga. En effet, au terme de l’article 2 de la Constitution, la RDC comptera 25 provinces et la ville de Kinshasa, contre 10 provinces et la capitale actuellement. En clair, il sera procédé au découpage territorial. À ce sujet, le Katanga éclatera en quatre provinces : le Haut- Lomami, le Haut- Katanga, le Lualaba et le Tanganika. Mais déjà, l’on assiste à des pétitions et des contre-pétitions sur le découpage ou non du Katanga, lettres ouvertes et prises de position. Tous les coups sont permis. Certains opérateurs politiques soutiennent mordicus le processus compte tenu de leur attachement à de sentiments tribaux et/ou ethniques. Par contre ceux qui sont en défaveur de la décision craignent de perdre certains avantages.
Chaque jour qui passe emmène avec lui un chapelet de scenarii. En effet, après les déclarations d’un Ministre du gouvernement provincial du Katanga contre le découpage du Katanga faites dans le district de Lualaba l’année dernière, ce fut le tour d’autres membres de l’exécutif provincial voire du parlement provincial qui entrèrent en danse. Comme qui dirait, ils ne cherchent qu’à assurer leurs arrières en gardant le grand gâteau pour eux seuls. Même les plus virulents et tonitruants fédéralistes d’hier, ne soutiennent plus le découpage territorial dont ils rêvaient. Ainsi, une pétition contre le découpage du Katanga, un peu dans l’esprit du « OUI » A LA DECENTRALISATION MAIS « NON » AU DECOUPAGE, fut initiée depuis le 30 janvier 2009 et signée par plus de 150.000 âmes –nous osons croire que ce sont des âmes vivantes-. Certains des arguments de ladite pétition sont :
- Au Katanga, aucun élu n’avait reçu mandat de ses électeurs de couper le Katanga pour le mieux être des Katangais. Donc le découpage du Katanga n’est pas une volonté populaire.
- Au referendum constitutionnel, les voix s’étaient élevées contre le découpage mais parce qu’il fallait privilégier l’aboutissement du processus de la transition, lequel sans constitution, il n’y aurait pas d’élection, la population katangaise pour marquer son soutien …avait adopté massivement la constitution, bien sur, avec espoir de revenir après, sur certains points sur lesquels la population n’était pas d’accord, conformément a la disposition de l’article 218.
- Tous les districts du Katanga… n’ont pas tous les mêmes possibilités économiques mais la population reste unie dans la mesure ou lorsque le Gouvernement pose une action de développement dans un coin du Katanga, tous les Katangais sont unanimes qu’on construit le Katanga. Mais à partir du moment ou chaque district sera une province a part, la population de chacun d’eux voudra l’action de développement posée se réaliser dans chacune de ses entités. En ce moment là, le déséquilibre ecomomico-financier des districts va créer des aigris et entraîner des conflits des communautés, lesquels conflits ne sont pas au programme des 5 chantiers de la République…
En réplique, suivra la contre – pétition initiée récemment par le camp adverse afin de soutenir le découpage sans condition du Katanga. C’est dans ce sens qu’au Nord Est du Katanga, dans une lettre ouverte, un prêtre et analyste politique -Abbé Didier Numbi wa Numbi, membre de la commission diocésaine Justice et paix de Kalemie -, s’interroge de façon explicite « Qui alors n’est pas prêt pour le découpage et la transformation du Tanganika de District en Province ? ». Dans son argumentation, l’abbé relève que la population du Tanganika et de la RDC, au nom de laquelle certains parlent d’une certaine façon pour plutôt protéger leurs intérêts, est prête.
Toujours au Katanga, le fameux dossier de la future province du Lualaba fait défiler tour à tour des personnes et associations politiques et/ou socio-culturelles sur les plateaux des télévisions et radios avec des discours et prises de position dans tous les sens. Dans la foulée, l’on constate qu’il y a la aussi deux tendances : l’une qui considère la ville de Kolwezi comme le chef-lieu ou capitale de la future province du Lualaba et l’autre, qui veut que Kolwezi soit une province à part entière ou soit carrément annexée au Haut - Katanga car, les populations autochtones du District urbano-rural de Kolwezi sont culturellement plus proches des populations du Haut-Katanga que celles de Lualaba ou du Haut-Lomami.
Comme si cela ne suffisait pas, dernièrement une frange de chefs traditionnels de Kolwezi ont fait un déplacement à Kinshasa pour remettre à qui de droit une pétition portant les signatures de 100.000 ressortissants de ladite ville réclamant l’érection de cette entité en province urbano-rurale. Sans nous pencher sur le bien fondé ou pas d’une telle démarche au risque d’être taxé de juge et partie, nous constatons simplement que sur le plan géographique et sociologique, la création des nouvelles provinces ravive inutilement certaines tensions et ce, au travers des acteurs acquis à des logiques et des modes d'intervention souvent contradictoires. Face à ce scénario, l’observateur averti pourrait simplement comprendre que les mêmes gens ou groupes socio-politiques qui sont contre le découpage territorial du Katanga - par crainte de perdre leur hégémonie ou contrôle politique - sont également les mêmes qui cherchent que le district de Kolwezi soit une province à part entière. Quelle contradiction et manque de cohérence, diront d’aucuns.
Encore au rendez-vous, le Parlement provincial du Katanga attend son tour pour jeter le pavé dans la marre. En effet, déjà des motions contre le découpage du Katanga sont en préparation dans des « laboratoires » noirs de certains députés provinciaux. Elles n’attendent que le moment de l’ouverture de la session parlementaire dans quelques jours pour être larguées et vite fait, le résultat est connu : « les députés provinciaux sont contre le découpage immédiat de la province du Katanga ». Cette attitude ne surprendra pas le peuple du Katanga. Comme nous l’avons si bien décris dans notre livre intitulé : « Le Parlement Provincial Pour Quoi Faire ? » , le Parlement provincial est de plus en plus critiqué, malmené, limité. Comme si le ver était dans le fruit, le vécu quotidien démontre que plusieurs pesanteurs – dont le pouvoir exécutif, l’égoïsme et le goût du lucre, l’amateurisme ou carrément ce qu’il convient d’appeler « l’analphabétisme parlementaire », « l’incultisme démocratique », etc…- ont tendance à « embrigader » le travail du Parlement, de sorte que son rôle se trouve réduit à une portion congrue et que sa liberté est sérieusement entravée. En effet, l’impuissance du Parlement provincial est presque devenue un fléau dénoncé par la majorité de la population. Les parlementaires –surtout ceux de la majorité- semblent ne servir plus à rien. Sinon à pointer pour les émoluments et à voter comme un seul homme.
Au-delà de toutes ces positions et contre-positions sur la « décentralisation – découpage » au Katanga, il est impérieux que les antagonistes aient présent à l’esprit l’interpellation faite par le Président Kabila lors de son discours sur l’état de la Nation , fait au début du mois de décembre 2007. Il nota sans ambages que la RDC est un « Etat uni et Indivisible» et la décentralisation, d'essence constitutionnelle soit-elle, n'est pas synonyme de fédéralisme, encore moins de confédéralisme. La ligne de démarcation mérite d'être rapidement tracée…
Ainsi, nous soutenons qu’il ne s’agit plus de décider si la « décentralisation – découpage » est une option, ou de ne pas la voir franchir l’étape du stade initial, mais plutôt de savoir comment la mettre en œuvre dans la pratique pour qu’elle puisse réaliser les objectifs qu’elle s’est fixés. Les mutations institutionnelles et socio-politiques attendues doivent être comprises comme un élargissement de la démocratie participative pour stimuler la responsabilisation des acteurs à la base. Dans ce sens, la décentralisation offre non seulement des espoirs d’un renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance locale mais aussi des promesses d’une plus grande efficacité et efficience dans l’offre de services adaptés aux besoins locaux et un cadre adapté pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. Toutefois, la décentralisation n’apportera une plus grande efficience dans l’offre des services, une meilleure gouvernance locale et ne contribuera à la réduction de la pauvreté et à la consolidation de la paix sociale seulement si certaines conditions sont remplies.
4. Quelques conditions pour une « décentralisation – découpage » réussie en RDC
4.1. L’implication active des citoyens dans le processus
Presque tous les débats voire « ébats et émois » sur la « décentralisation- découpage » en RDC sont faits en l’absence du peuple, le souverain et bénéficiaire primaire. Il est donc important que les citoyens soient au centre du processus par implication active dans le processus. En effet, pour que réussisse la décentralisation, le processus doit être inspiré par l’exigence de la population d’une redéfinition des rapports entre l’État et ses citoyens et non être l’œuvre des calculs politiciens. La population locale doit s’approprier la réforme pour veiller à ce que l’esprit de la décentralisation soit respecté, que les dispositions juridiques formelles reflètent ses préoccupations et les réalités dans lesquelles elle vit et que ces dernières soient appliquées. Pour y parvenir de façon efficace, la population doit acquérir un certain nombre de compétences et d’aptitudes, en particulier une bonne compréhension des textes relatifs à la décentralisation. Les citoyens doivent avoir une meilleure compréhension des enjeux et de la manière dont ils peuvent participer et intervenir efficacement au niveau local dans les processus de prise de décisions qui affectent leur vie et leurs moyens d’existence. Fondamentalement, la population locale doit avoir foi dans les réformes et les opportunités qu’elles offrent, être convaincue qu’elle est capable de jouer un rôle important et demander aux collectivités de lui rendre compte de la gestion des affaires locales.
Reconnaissons cependant que la réalisation de cette condition est un défi majeur en RDC et particulièrement au Katanga. Malgré les discours du genre « nous sommes fatigués de la misère », le chapelet de la pauvreté et l’analphabétisme, freine la participation active et informée des populations locales. Là où l’information existe, elle apparaît souvent tintée des discours partisanes et de division pour faire échec à la décentralisation. Une attention particulière est donc nécessaire pour assurer une participation équitable de tous les citoyens au processus de décentralisation et non le faire comme c’est le cas actuel dans la province du Katanga, où certains « politicaillons » et « affairistes politiques » excellent en manipulant et divisant la population afin de rester seul maître à bord. Pire encore, quand certains détenteurs du pouvoir coutumier ou autre sont mis à contribution -dans une contradiction et manque de cohérence sans précèdent- tantôt pour appuyer la thèse contre le découpage territorial de la province du Katanga, tantôt pour demander la création d’autres nouvelles provinces.
4.2. Rendre des entités décentralisées et leurs animateurs capables et compétitifs
Fort de l’arsenal juridique sur la décentralisation, les collectivités locales doivent assurer des services sociaux et économiques (santé, alimentation en eau, éducation, etc.) sur la base de plans de développement locaux. Elles sont censées s’acquitter de ces services dans la concertation et l’équité, en veillant à la pleine participation des communautés qui relèvent de leur autorité. L’une des raisons principales de la décentralisation est d’accroître l’efficience et l’efficacité générales en permettant aux collectivités locales de renforcer leur sensibilité, leur responsabilité à l’égard des citoyens et l’efficacité de la production et de la fourniture de services. Ainsi, le processus de décentralisation est essentiel pour que les instances locales puissent jouer un rôle actif et important en termes de gouvernance locale.
À court terme, le succès de la décentralisation dépend largement de la mesure dans laquelle la population locale constate qu’elle apporte des avantages tangibles. Étant donnés les niveaux de pauvreté actuels, cette population, qui perçoit les principes de la gouvernance démocratique comme essentiels à l’expression de ses initiatives, veut aussi voir mises en œuvre des mesures concrètes susceptibles de résoudre ses problèmes quotidiens : Installations sanitaires et éducatives inadaptées, alimentation en eau insuffisante, manque d’opportunités en matière d’emploi, de débouchés commerciaux et d’investissement, routes impraticables voire inexistantes, etc. Si les collectivités locales ne peuvent répondre à ces questions, cela compromettra gravement leur légitimité et la possibilité d’opérer des changements structurels dans le mode de gestion des affaires locales.
Il sera aussi essentiel de renforcer les capacités des autorités locales pour répondre aux défis de la « décentralisation- découpage » et leur permettre d’agir en adoptant une démarche participative, transparente et durable pour réussir à gagner la confiance et la reconnaissance de la population locale, et, à terme, développer et renforcer leur autonomie financière. Reconnaissons cependant, que cela ne sera pas que facile.
4.3. Fournir un cadre institutionnel favorable qui donne l’autorité et les pouvoirs de décision au niveau local.
La loi organique sur la décentralisation permet la création des entités territoriales légalement reconnues, dotées d’un budget et d’un personnel propre, ainsi que des pouvoirs de décision sur un éventail de domaines relevant directement de leur compétence. Le principe de subsidiarité et la nécessité de faire en sorte que le transfert de responsabilités s’accompagne d’un transfert simultané de ressources sont reconnus. Toutefois, dans la pratique, cet engagement politique en faveur d’un transfert de compétences connaît des embûches en RDC qu’il faille élaguer au plus tôt. De surcroît, l’absence d’un pouvoir effectif des collectivités locales sur le contrôle de leurs ressources financières compromettra leur viabilité économique et nuira à la légitimité du processus de décentralisation aux yeux de la population locale. Il appert donc nécessaire que tous les boulons d’étranglement du processus de décentralisation soient réellement supprimés afin que renaisse la RDC de ses cendres comme le phénix.
5. Conclusion : « Décentralisation – découpage », plus de peur que de mal ou effectivement le mal est là ?
Que conclure, sauf constater qu’un malaise couve en RDC concernant la matérialisation de la « décentralisation – découpage ». Des arguments et contre arguments sont avancés dans tous les sens et dans divers horizons comme au temps de la Tour de Babel. Mais, au-delà de toutes ces considérations sociales, economiques et politiques, un besoin est pressant et constitue ce qu’il faut capitaliser : la décentralisation est voulue par tous. Ainsi, il ne nous reste qu’à affirmer que la décentralisation réussie constituera une réforme politique mettant les élus locaux au défi de répondre aux demandes des populations. Elle permettra de mettre en relation directe le besoin social tel qu’il est vécu par le citoyen et la décision politique qui lui répond. Elle autorisera alors non seulement une réforme de l’Etat par la déconcentration de ses moyens et la réduction de son périmètre d’intervention. Un véritable processus de reconstruction de l’Etat pourrait ainsi être amorcé en s’appuyant sur les communautés de base et les municipalités. Cela est d’autant vrai car, l’espace local constitue, en effet, le lieu d’ancrage de la citoyenneté, le maillon initial des liens sociaux et la base du « vouloir vivre collectif ». Pour cette raison, il est impérieux de favoriser l’émergence de municipalités fortes au plus près des préoccupations des citoyens. Mais une gouvernance locale ne peut être efficace que si les relations avec les autres niveaux de pouvoir sont prises en compte, donnent lieu à des échanges, à des négociations et à des actions de coopération. Comme qui dirait l’unité dans la diversité et non dans l’adversité !
Toutefois, pour prévenir les risques d’iniquité territoriale, de dilution des responsabilités et des compétences, l’instauration d’une démocratie locale doit être assortie de politiques complémentaires (renforcement des capacités, déconcentration des services de l’Etat, aménagement du territoire...) auxquelles tous les congolais devront contribuer.
I. Liminaires
Lorsque les Grecs demandèrent à Solon de leur donner une constitution, celui-ci répondit à la forme interrogative : « pour quel peuple et quelle époque ? ». En effet, une constitution se présenterait comme réponse à une attente. Mais elle répondrait à quelle dynamique sociale dans quelle dynamique historique, à quelle ordonnance du temps? Cette demande légitime d'une constitution faite par les Grecs pour régir leur société fut également formulée par le peuple de la République Démocratique du Congo (RDC), las de la politique de centralisation à outrance avec tout son cortège de malheurs.
En effet, après le « OUI » massif au referendum constitutionnel de décembre 2005, la RDC se dota d'une nouvelle Constitution promulguée le 18 février 2006 et ayant pour ambition de lui assurer à la fois la stabilité, l'efficacité de l'Etat ainsi que les libertés démocratiques créatrices d'idées et de progrès. Ainsi, la RDC a pris un tournant décisif dans le mode de gouvernance de ses provinces puisque les principes de l'Etat central fortement décentralisé ont été précisés comme fil conducteur pour le fonctionnement des institutions. Ladite constitution a décidé de l'élévation de certains districts actuels au rang de province. Dans cette veine, le 1er août 2008, le Président Joseph Kabila promulgua la loi organique sur la décentralisation, laquelle entérine la création de 26 provinces en RDC. Ladite loi organique fixe la composition, l’organisation et le fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces. Comme l’on peut s’en rendre compte, la promulgation de cette loi constitue une avancée dans le processus de décentralisation. Hélas sur papier diront certains !
En optant pour la « décentralisation - découpage » , la RDC n’innove pas. Plusieurs pays africains ont opté pour les réformes de décentralisation à la suite des crises économiques, sociales et/ou politiques qu’ils ont connu. Ainsi, la décentralisation n’est pas la dernière mode en matière de développement, mais représente une refonte radicale des relations entre l’Etat et ses citoyens suite à l’échec total d’une série de modèles de gouvernance qui confiaient des pouvoirs forts à un Etat central et souvent uni-partite, pour apporter la prospérité économique et la paix sociale.
Cependant, ce nouveau paysage institutionnel et l'émergence de nouveaux acteurs, et élus locaux a des répercussions sur le fonctionnement des institutions provinciales voire locales entraînant des changements dans le mode de fonctionnement des services techniques déconcentrés et des niveaux de concertation (provincial, territorial et local). Aussi, comme un fleuve irrigué par de nombreux affluents, de plus en plus l’on entend des voix s’élever pour ou contre le « découpage territorial », rappelant l’époque de la tour de Babel avec son cortège de divisions et d’incompréhensions. D’où l’intérêt de la présente réflexion qui entend cogiter sur les contours de la « décentralisation –découpage » en RDC et son appréhension pratique. Certaines contradictions seront relevées pour démontrer que la « décentralisation – découpage » comme il convient de l’appeler, semble être un couteau à double tranchant pour certaines provinces du pays. Au demeurant, la présente réflexion affirme - contre vents et marées - qu’il ne s’agit plus de décider si la « décentralisation – découpage » est une option, ou de ne pas la voir franchir l’étape du stade initial, mais plutôt de savoir comment la mettre en œuvre dans la pratique pour qu’elle puisse réaliser les objectifs qu’elle s’est fixés.
2. Bref aperçu historique sur la décentralisation en RDC
Comme dit supra, la décentralisation n’est pas un phénomène nouveau. Le terme a été utilisé dès le début des années 50, dans le cadre de nombreux programmes de réforme institutionnelle. Dans l’Afrique post-coloniale, par exemple, des essais de décentralisation ont été entrepris dans divers pays. Toutefois, beaucoup de ces tentatives sont restées vaines et n’ont pas tenu leurs promesses initiales.
En RDC, depuis l’époque coloniale, la question de la décentralisation est souvent apparue sous forme d’un débat sur la forme de l’Etat, Etat fédéral ou Etat unitaire. Ce débat commença, durant la période coloniale, avec l’Arrêté Royal qui regroupa les vingt deux districts du Congo en quatre provinces dirigées par un vice – gouverneur. Le pays, le Congo belge, étant lui-même dirigé par un Gouverneur Général. Malgré la centralisation du pouvoir, les premiers responsables des provinces furent soucieux de défendre leur province contre les exigences des autorités de l’administration centrale résidant à Boma, capitale de la colonie à l’époque. Inquiet de cette tendance, qui commença à se manifester clairement au lendemain de la première guerre mondiale, le Pouvoir central colonial, par l’Arrêté Royal du 29 juin 1933 décida une réorganisation administrative en vue de renforcer les pouvoirs du gouvernement central et ainsi réduire sensiblement ceux des provinces. On créa alors six provinces dirigées par des commissaires de provinces, hauts fonctionnaires, représentants du Gouverneur Général et chargés de l’exécution pure et simple de ses décisions. Par cet Arrêté, on passait d’un état unitaire relativement décentralisé à un unitarisme fortement centralisé.
Dans l’enfantement de l’indépendance - dont nous fêtons le 49eme anniversaire -, le premier texte constitutionnel qui, à sa naissance, a régi la RDC, appelé « Loi fondamentale », avait instauré une forme fédérale de l'Etat, un système de démocratie libérale représentative et un régime parlementaire. Les six provinces héritées alors de la colonisation constituèrent le cadre territorial et juridique des Etats fédérés. Cependant, cette première expérience fut dévoyée par la proclamation de deux sécessions et une crise institutionnelle majeure .
En 1964, une Constitution préparée, non plus dans le cadre du Parlement, mais au sein d'une commission neutre, fut présentée au référendum populaire et adoptée, dénommée « Constitution de Luluabourg », elle consacrait un régime présidentiel, une structure fédérale, une augmentation des provinces qui passait de 6 à 21. Malheureusement, elle n'a duré que le temps des dispositions transitoires !
Le coup d'Etat du 24 novembre 1965 imposa dès 1966, la fin de la démocratie pluraliste représentative, et la suppression de tous les mécanismes décentralisateurs qui laissaient à l'Etat du Congo un contenu fédéral. Le nombre des provinces fut réduit de 21 à 8. En d’autres termes, le Président Mobutu mit fin à l’autonomie des provinces dont le nombre passa d’abord de 21 à 12 et ensuite de 12 à 8 plus la ville de Kinshasa érigée en province. La représentation en Province fut dépouillée de tout caractère politique, les services propres des entités fédérées - dont les assemblées et les gouvernements provinciaux- furent supprimés, et les gouvernants des provinces furent considérés comme de simples administratifs, représentants soumis au pouvoir central. Toutefois, une réforme effectuée en 1982 fut ponctuée par la promulgation d'une loi organique portant décentralisation administrative. Autant dire qu'en 1997, à la chute du Président Mobutu, cette loi était pratiquement restée lettre morte.
En 1998, une réforme fut mise en place, au terme du décret loi 081 complété par d'autres initiatives ou plans gouvernementaux qui définirent une stratégie visant la décentralisation et fondée sur cinq axes : - la détermination du nombre d'entités décentralisées qui fut ramenée de 10 à 4 (la Province, la Ville, les Communes de l'agglomération de Kinshasa, le Territoire) ; - la création de conseils consultatifs ; - la viabilité des collectivités locales ; - les budgets des collectivités locales ; et - la répartition des responsabilités. Cependant, en 2003, la décentralisation n'était toujours pas appliquée selon les prescrits de ce fameux Décret-loi.
Le 18 février 2006, la RDC se dota de la Constitution de la troisième république. Aux termes de l'article 2 de ladite Constitution, la RDC est composée de la ville de Kinshasa et de 25 provinces toutes dotées de la personnalité juridique. Ces provinces sont : Bas-Uélé, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uélé, Ituri, Kasaï, Kasaï central, Kasaï oriental, Kongo-central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Maï-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-ubangui, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-ubangui, Tanganyika, Tshopo et Tshuapa. Il faudra noter que cette disposition constitutionnelle a élevé au rang de provinces plusieurs districts qui constituent les actuelles provinces. Puis suivra, le 1er août 2008, la promulgation de la loi sur la décentralisation territoriale et administrative qui prévoit fixe la composition, l’organisation et le fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces. Cet aperçu nous donne la photographie de la décentralisation depuis l’époque coloniale jusqu'à ce jour. L’on constatera qu’il y a actuellement une volonté de faire les choses différemment en rendant effective la décentralisation. Une question demeure cependant : la pratique suit-elle ce pas ? Tel est l’objet du point suivant.
3. La « décentralisation – découpage » en RDC : Du « Dire » au « Faire » ?
« Affirmer est une chose, mais réaliser en est une autre », dit-on. Il est certes vrai que l’on décriait le manque de cadre légal pour matérialiser la décentralisation en RDC bien que la Constitution l’eut instituée. C’est dans ce sens que dans son discours sur l’état de la Nation, fait au début du mois de décembre 2007, le Président Joseph Kabila mit l’accent sur le fait que « la loi sur la décentralisation était aussi importante et urgente car, d’elle, dépend le succès ou l'échec de l'une des innovations les plus prometteuses, mais aussi potentiellement les plus dangereuses, introduites aux termes de la nouvelle constitution. » . Aujourd’hui, cette question ne se pose plus car, la loi organique est bien là depuis 2008, mais les choses semblent toujours stagner. Du reste, cela a même transpiré lors de la première session de la Conférence des Gouverneurs de Province (CGP) tenue du 24 au 25 juin 2009 à Kisangani. Présidée de bout en bout par le Chef de l’Etat Joseph Kabila, ladite conférence a sur le plan politique, administratif, culturel, sécuritaire et judiciaire recommandé entre autres « le renforcement de l’Autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, l’accélération de la mise en œuvre de la Décentralisation, etc… »
Ainsi, il semble nécessaire de faire recours à un « enfantement par césarienne » de la décentralisation en RDC.
3.1. Les arguments et contre arguments de la « décentralisation – découpage » en RDC
Depuis l’annonce de la « décentralisation – découpage » en RDC, l’on constate l’émergence de deux camps opposés : l’un soutenant la « décentralisation –découpage » dans l’immédiat et l’autre s’exprimant par «oui » à la décentralisation mais « non » au découpage actuel et immédiat ». Dans cette veine, ils arguent que la population n’est pas prête pour le découpage. Et en réplique, le premier camp fini par s’interroger: « Qui en réalité est celui qui n’est pas prêt ? La population ou les opérateurs / manipulateurs politiques ?».
Face à cette dichotomie de position qui devient de plus en plus dévastatrice, ne pouvons-nous pas chercher une troisième « voix » et/ou « voie » ? C’est dans ce sens que d’aucuns peuvent même demander la nécessité d’une période d'apprentissage pour tous les acteurs afin que le processus de décentralisation trouve sa traduction dans de bonnes pratiques de gestion des affaires locales selon une démarche permettant l'implication du citoyen dans la vie publique locale. Mais une question demeure : ladite période d’apprentissage avec ou sans le découpage ? Nous donnerons plus loin, notre avis à ce sujet.
Toutefois, il faut reconnaître que la « décentralisation – découpage » laisse couler encre et salive peut-être pas encore le sang. Aussi, tout n’est pas que rose car en matière de décentralisation, des arguments de tout genre sont usités. Ainsi, du point de vue négatif, on peut argumenter que le processus de décentralisation est susceptible d’accroître les inégalités entre les provinces les plus pauvres et les plus riches d’un pays. Cela peut être le cas si la politique de péréquation fiscale n’est pas assez efficace pour empêcher les provinces les mieux dotées en ressources de bénéficier d’encore de revenus ; de déstabiliser l’unité nationale et déclencher des conflits politiques ou ethniques ; faciliter l’abus d’autorité ou la corruption des autorités locales et centrales et en faire des régimes locaux dictatoriaux ou des élites, etc.
Mais du point de vue positif, les raisons politiques avancées pour justifier ce « découpage territorial » mieux cette « décentralisation - découpage » , évoquent la nécessité et le souci de faire bénéficier à chaque habitant des conditions de vie améliorées. C'est dans cette optique que le législateur congolais, mû par ce souci du bien-être de tous les congolais, a trouvé nécessaire et utile de procéder au découpage politique et administratif du territoire national afin de rapprocher davantage les administrés de l'Administration , cela en vue de cerner les vrais problèmes de la population et en trouver des solutions urgentes et adéquates. Donc, le découpage territorial a été décidé de toute évidence dans le seul but d'accélérer partout le progrès économique et social de la population. Il va de soi que ce découpage territorial est une cause noble et l'objectif indiscutable. Mais, cela est-il perçu comme tel dans tous les coins de la RDC ? C’est la grande question qu’il sied d’adresser.
3.2. La province du Katanga et son cortège de controverses sur la « décentralisation – découpage » en RDC
La décentralisation envisagée en RDC rencontre des pesanteurs qui font que l’urgence de l’application de cette politique est diversement appréciée. Pour nous en convaincre, nous faisons recours à la situation de la province du Katanga. En effet, au terme de l’article 2 de la Constitution, la RDC comptera 25 provinces et la ville de Kinshasa, contre 10 provinces et la capitale actuellement. En clair, il sera procédé au découpage territorial. À ce sujet, le Katanga éclatera en quatre provinces : le Haut- Lomami, le Haut- Katanga, le Lualaba et le Tanganika. Mais déjà, l’on assiste à des pétitions et des contre-pétitions sur le découpage ou non du Katanga, lettres ouvertes et prises de position. Tous les coups sont permis. Certains opérateurs politiques soutiennent mordicus le processus compte tenu de leur attachement à de sentiments tribaux et/ou ethniques. Par contre ceux qui sont en défaveur de la décision craignent de perdre certains avantages.
Chaque jour qui passe emmène avec lui un chapelet de scenarii. En effet, après les déclarations d’un Ministre du gouvernement provincial du Katanga contre le découpage du Katanga faites dans le district de Lualaba l’année dernière, ce fut le tour d’autres membres de l’exécutif provincial voire du parlement provincial qui entrèrent en danse. Comme qui dirait, ils ne cherchent qu’à assurer leurs arrières en gardant le grand gâteau pour eux seuls. Même les plus virulents et tonitruants fédéralistes d’hier, ne soutiennent plus le découpage territorial dont ils rêvaient. Ainsi, une pétition contre le découpage du Katanga, un peu dans l’esprit du « OUI » A LA DECENTRALISATION MAIS « NON » AU DECOUPAGE, fut initiée depuis le 30 janvier 2009 et signée par plus de 150.000 âmes –nous osons croire que ce sont des âmes vivantes-. Certains des arguments de ladite pétition sont :
- Au Katanga, aucun élu n’avait reçu mandat de ses électeurs de couper le Katanga pour le mieux être des Katangais. Donc le découpage du Katanga n’est pas une volonté populaire.
- Au referendum constitutionnel, les voix s’étaient élevées contre le découpage mais parce qu’il fallait privilégier l’aboutissement du processus de la transition, lequel sans constitution, il n’y aurait pas d’élection, la population katangaise pour marquer son soutien …avait adopté massivement la constitution, bien sur, avec espoir de revenir après, sur certains points sur lesquels la population n’était pas d’accord, conformément a la disposition de l’article 218.
- Tous les districts du Katanga… n’ont pas tous les mêmes possibilités économiques mais la population reste unie dans la mesure ou lorsque le Gouvernement pose une action de développement dans un coin du Katanga, tous les Katangais sont unanimes qu’on construit le Katanga. Mais à partir du moment ou chaque district sera une province a part, la population de chacun d’eux voudra l’action de développement posée se réaliser dans chacune de ses entités. En ce moment là, le déséquilibre ecomomico-financier des districts va créer des aigris et entraîner des conflits des communautés, lesquels conflits ne sont pas au programme des 5 chantiers de la République…
En réplique, suivra la contre – pétition initiée récemment par le camp adverse afin de soutenir le découpage sans condition du Katanga. C’est dans ce sens qu’au Nord Est du Katanga, dans une lettre ouverte, un prêtre et analyste politique -Abbé Didier Numbi wa Numbi, membre de la commission diocésaine Justice et paix de Kalemie -, s’interroge de façon explicite « Qui alors n’est pas prêt pour le découpage et la transformation du Tanganika de District en Province ? ». Dans son argumentation, l’abbé relève que la population du Tanganika et de la RDC, au nom de laquelle certains parlent d’une certaine façon pour plutôt protéger leurs intérêts, est prête.
Toujours au Katanga, le fameux dossier de la future province du Lualaba fait défiler tour à tour des personnes et associations politiques et/ou socio-culturelles sur les plateaux des télévisions et radios avec des discours et prises de position dans tous les sens. Dans la foulée, l’on constate qu’il y a la aussi deux tendances : l’une qui considère la ville de Kolwezi comme le chef-lieu ou capitale de la future province du Lualaba et l’autre, qui veut que Kolwezi soit une province à part entière ou soit carrément annexée au Haut - Katanga car, les populations autochtones du District urbano-rural de Kolwezi sont culturellement plus proches des populations du Haut-Katanga que celles de Lualaba ou du Haut-Lomami.
Comme si cela ne suffisait pas, dernièrement une frange de chefs traditionnels de Kolwezi ont fait un déplacement à Kinshasa pour remettre à qui de droit une pétition portant les signatures de 100.000 ressortissants de ladite ville réclamant l’érection de cette entité en province urbano-rurale. Sans nous pencher sur le bien fondé ou pas d’une telle démarche au risque d’être taxé de juge et partie, nous constatons simplement que sur le plan géographique et sociologique, la création des nouvelles provinces ravive inutilement certaines tensions et ce, au travers des acteurs acquis à des logiques et des modes d'intervention souvent contradictoires. Face à ce scénario, l’observateur averti pourrait simplement comprendre que les mêmes gens ou groupes socio-politiques qui sont contre le découpage territorial du Katanga - par crainte de perdre leur hégémonie ou contrôle politique - sont également les mêmes qui cherchent que le district de Kolwezi soit une province à part entière. Quelle contradiction et manque de cohérence, diront d’aucuns.
Encore au rendez-vous, le Parlement provincial du Katanga attend son tour pour jeter le pavé dans la marre. En effet, déjà des motions contre le découpage du Katanga sont en préparation dans des « laboratoires » noirs de certains députés provinciaux. Elles n’attendent que le moment de l’ouverture de la session parlementaire dans quelques jours pour être larguées et vite fait, le résultat est connu : « les députés provinciaux sont contre le découpage immédiat de la province du Katanga ». Cette attitude ne surprendra pas le peuple du Katanga. Comme nous l’avons si bien décris dans notre livre intitulé : « Le Parlement Provincial Pour Quoi Faire ? » , le Parlement provincial est de plus en plus critiqué, malmené, limité. Comme si le ver était dans le fruit, le vécu quotidien démontre que plusieurs pesanteurs – dont le pouvoir exécutif, l’égoïsme et le goût du lucre, l’amateurisme ou carrément ce qu’il convient d’appeler « l’analphabétisme parlementaire », « l’incultisme démocratique », etc…- ont tendance à « embrigader » le travail du Parlement, de sorte que son rôle se trouve réduit à une portion congrue et que sa liberté est sérieusement entravée. En effet, l’impuissance du Parlement provincial est presque devenue un fléau dénoncé par la majorité de la population. Les parlementaires –surtout ceux de la majorité- semblent ne servir plus à rien. Sinon à pointer pour les émoluments et à voter comme un seul homme.
Au-delà de toutes ces positions et contre-positions sur la « décentralisation – découpage » au Katanga, il est impérieux que les antagonistes aient présent à l’esprit l’interpellation faite par le Président Kabila lors de son discours sur l’état de la Nation , fait au début du mois de décembre 2007. Il nota sans ambages que la RDC est un « Etat uni et Indivisible» et la décentralisation, d'essence constitutionnelle soit-elle, n'est pas synonyme de fédéralisme, encore moins de confédéralisme. La ligne de démarcation mérite d'être rapidement tracée…
Ainsi, nous soutenons qu’il ne s’agit plus de décider si la « décentralisation – découpage » est une option, ou de ne pas la voir franchir l’étape du stade initial, mais plutôt de savoir comment la mettre en œuvre dans la pratique pour qu’elle puisse réaliser les objectifs qu’elle s’est fixés. Les mutations institutionnelles et socio-politiques attendues doivent être comprises comme un élargissement de la démocratie participative pour stimuler la responsabilisation des acteurs à la base. Dans ce sens, la décentralisation offre non seulement des espoirs d’un renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance locale mais aussi des promesses d’une plus grande efficacité et efficience dans l’offre de services adaptés aux besoins locaux et un cadre adapté pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement. Toutefois, la décentralisation n’apportera une plus grande efficience dans l’offre des services, une meilleure gouvernance locale et ne contribuera à la réduction de la pauvreté et à la consolidation de la paix sociale seulement si certaines conditions sont remplies.
4. Quelques conditions pour une « décentralisation – découpage » réussie en RDC
4.1. L’implication active des citoyens dans le processus
Presque tous les débats voire « ébats et émois » sur la « décentralisation- découpage » en RDC sont faits en l’absence du peuple, le souverain et bénéficiaire primaire. Il est donc important que les citoyens soient au centre du processus par implication active dans le processus. En effet, pour que réussisse la décentralisation, le processus doit être inspiré par l’exigence de la population d’une redéfinition des rapports entre l’État et ses citoyens et non être l’œuvre des calculs politiciens. La population locale doit s’approprier la réforme pour veiller à ce que l’esprit de la décentralisation soit respecté, que les dispositions juridiques formelles reflètent ses préoccupations et les réalités dans lesquelles elle vit et que ces dernières soient appliquées. Pour y parvenir de façon efficace, la population doit acquérir un certain nombre de compétences et d’aptitudes, en particulier une bonne compréhension des textes relatifs à la décentralisation. Les citoyens doivent avoir une meilleure compréhension des enjeux et de la manière dont ils peuvent participer et intervenir efficacement au niveau local dans les processus de prise de décisions qui affectent leur vie et leurs moyens d’existence. Fondamentalement, la population locale doit avoir foi dans les réformes et les opportunités qu’elles offrent, être convaincue qu’elle est capable de jouer un rôle important et demander aux collectivités de lui rendre compte de la gestion des affaires locales.
Reconnaissons cependant que la réalisation de cette condition est un défi majeur en RDC et particulièrement au Katanga. Malgré les discours du genre « nous sommes fatigués de la misère », le chapelet de la pauvreté et l’analphabétisme, freine la participation active et informée des populations locales. Là où l’information existe, elle apparaît souvent tintée des discours partisanes et de division pour faire échec à la décentralisation. Une attention particulière est donc nécessaire pour assurer une participation équitable de tous les citoyens au processus de décentralisation et non le faire comme c’est le cas actuel dans la province du Katanga, où certains « politicaillons » et « affairistes politiques » excellent en manipulant et divisant la population afin de rester seul maître à bord. Pire encore, quand certains détenteurs du pouvoir coutumier ou autre sont mis à contribution -dans une contradiction et manque de cohérence sans précèdent- tantôt pour appuyer la thèse contre le découpage territorial de la province du Katanga, tantôt pour demander la création d’autres nouvelles provinces.
4.2. Rendre des entités décentralisées et leurs animateurs capables et compétitifs
Fort de l’arsenal juridique sur la décentralisation, les collectivités locales doivent assurer des services sociaux et économiques (santé, alimentation en eau, éducation, etc.) sur la base de plans de développement locaux. Elles sont censées s’acquitter de ces services dans la concertation et l’équité, en veillant à la pleine participation des communautés qui relèvent de leur autorité. L’une des raisons principales de la décentralisation est d’accroître l’efficience et l’efficacité générales en permettant aux collectivités locales de renforcer leur sensibilité, leur responsabilité à l’égard des citoyens et l’efficacité de la production et de la fourniture de services. Ainsi, le processus de décentralisation est essentiel pour que les instances locales puissent jouer un rôle actif et important en termes de gouvernance locale.
À court terme, le succès de la décentralisation dépend largement de la mesure dans laquelle la population locale constate qu’elle apporte des avantages tangibles. Étant donnés les niveaux de pauvreté actuels, cette population, qui perçoit les principes de la gouvernance démocratique comme essentiels à l’expression de ses initiatives, veut aussi voir mises en œuvre des mesures concrètes susceptibles de résoudre ses problèmes quotidiens : Installations sanitaires et éducatives inadaptées, alimentation en eau insuffisante, manque d’opportunités en matière d’emploi, de débouchés commerciaux et d’investissement, routes impraticables voire inexistantes, etc. Si les collectivités locales ne peuvent répondre à ces questions, cela compromettra gravement leur légitimité et la possibilité d’opérer des changements structurels dans le mode de gestion des affaires locales.
Il sera aussi essentiel de renforcer les capacités des autorités locales pour répondre aux défis de la « décentralisation- découpage » et leur permettre d’agir en adoptant une démarche participative, transparente et durable pour réussir à gagner la confiance et la reconnaissance de la population locale, et, à terme, développer et renforcer leur autonomie financière. Reconnaissons cependant, que cela ne sera pas que facile.
4.3. Fournir un cadre institutionnel favorable qui donne l’autorité et les pouvoirs de décision au niveau local.
La loi organique sur la décentralisation permet la création des entités territoriales légalement reconnues, dotées d’un budget et d’un personnel propre, ainsi que des pouvoirs de décision sur un éventail de domaines relevant directement de leur compétence. Le principe de subsidiarité et la nécessité de faire en sorte que le transfert de responsabilités s’accompagne d’un transfert simultané de ressources sont reconnus. Toutefois, dans la pratique, cet engagement politique en faveur d’un transfert de compétences connaît des embûches en RDC qu’il faille élaguer au plus tôt. De surcroît, l’absence d’un pouvoir effectif des collectivités locales sur le contrôle de leurs ressources financières compromettra leur viabilité économique et nuira à la légitimité du processus de décentralisation aux yeux de la population locale. Il appert donc nécessaire que tous les boulons d’étranglement du processus de décentralisation soient réellement supprimés afin que renaisse la RDC de ses cendres comme le phénix.
5. Conclusion : « Décentralisation – découpage », plus de peur que de mal ou effectivement le mal est là ?
Que conclure, sauf constater qu’un malaise couve en RDC concernant la matérialisation de la « décentralisation – découpage ». Des arguments et contre arguments sont avancés dans tous les sens et dans divers horizons comme au temps de la Tour de Babel. Mais, au-delà de toutes ces considérations sociales, economiques et politiques, un besoin est pressant et constitue ce qu’il faut capitaliser : la décentralisation est voulue par tous. Ainsi, il ne nous reste qu’à affirmer que la décentralisation réussie constituera une réforme politique mettant les élus locaux au défi de répondre aux demandes des populations. Elle permettra de mettre en relation directe le besoin social tel qu’il est vécu par le citoyen et la décision politique qui lui répond. Elle autorisera alors non seulement une réforme de l’Etat par la déconcentration de ses moyens et la réduction de son périmètre d’intervention. Un véritable processus de reconstruction de l’Etat pourrait ainsi être amorcé en s’appuyant sur les communautés de base et les municipalités. Cela est d’autant vrai car, l’espace local constitue, en effet, le lieu d’ancrage de la citoyenneté, le maillon initial des liens sociaux et la base du « vouloir vivre collectif ». Pour cette raison, il est impérieux de favoriser l’émergence de municipalités fortes au plus près des préoccupations des citoyens. Mais une gouvernance locale ne peut être efficace que si les relations avec les autres niveaux de pouvoir sont prises en compte, donnent lieu à des échanges, à des négociations et à des actions de coopération. Comme qui dirait l’unité dans la diversité et non dans l’adversité !
Toutefois, pour prévenir les risques d’iniquité territoriale, de dilution des responsabilités et des compétences, l’instauration d’une démocratie locale doit être assortie de politiques complémentaires (renforcement des capacités, déconcentration des services de l’Etat, aménagement du territoire...) auxquelles tous les congolais devront contribuer.
jeudi 29 janvier 2009
L’affaire Jean-Pierre Bemba : un pot pourri de la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique et des méandres de la justice interna
I. Liminaires
L’Afrique, particulièrement l’Afrique Centrale et la région des Grands Lacs, est souvent confrontée au difficile héritage des graves violations et abus des droits de l’homme. Encre, salive voire le sang ont coulé et continuent de couler sans que justice ne soit – effectivement - faite.
Dans cette quête de justice, la Cour Pénale Internationale (CPI) fut créée par le traité de Rome du 17 juillet 1998 (Traité ou Statut de Rome). Le Statut de Rome exigeait 60 ratifications pour sa création ou son entrée en vigueur. Ces 60 ratifications ont été rassemblées en 2002 et la République Démocratique du Congo (RDC) est le 60e pays qui a déposé ses instruments de ratification le 11 avril 2002 pour permettre à cette Cour de fonctionner à partir du 1er juillet 2002. À partir de cette date, les crimes de génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre, relèvent de la compétence de ladite Cour.
Le Statut a introduit en son sein un principe important qu’est la responsabilité des chefs militaires et des chefs hiérarchiques. Ce principe déroge du principe pénal de la responsabilité pénale individuelle en posant l’axiome qu’en cas de commission d’un crime de la compétence de la CPI, le défaut du chef militaire ou du supérieur hiérarchique, ayant eu connaissance des faits, de prévenir ou de mettre fin ou même de sanctionner engage sa responsabilité pour le crime commis par les hommes placés sous son commandement.
Ce principe est aujourd’hui au cœur d’un débat fort passionné à travers le monde à la suite de l’arrestation du Sénateur Jean Pierre Bemba par la Belgique sur base du mandat d’arrêt international lancé en son encontre par la CPI et des vacillements dans le dossier de Thomas Lubanga.
Le principe de responsabilité du supérieur hiérarchique ne manque pas de poser problème quant à son application. En effet, la grande difficulté reste la mesure dans laquelle elle est engagée, d’autant plus que la preuve de son existence n’est pas facile à rapporter. Il est vrai que les cas d’imputabilité personnelle en cas de commission d’un acte criminel posé par la personne incriminée sont faciles à relever, mais il arrive que les faits soient présentés différemment et qu’il soit difficile de prouver la responsabilité de tel ou tel criminel. Certes, il est des cas qui s’expliquent par eux-mêmes car on connaît d’avance qui agit sous le contrôle de qui, encore que dans d’autres circonstances, le lien de subordination entre tel subordonné et tel supérieur n’apparaît pas à première vue. D’où l’intérêt de l’affaire Jean-Pierre Bemba qui nous donne l’occasion de cogiter sur les contours et les méandres de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique, notion plus qu’importante dans la continuation et l’aboutissement de l’affaire a quo. Toutefois, il est opportun de relever que loin pour nous l’idée - dans la présente réflexion - de prendre position sur la culpabilité ou non de Monsieur Jean-Pierre Bemba.
II. Des faits reprochés à Jean-Pierre Bemba et l’état de la procédure à ce jour
Jean-Pierre Bemba est le premier suspect de la CPI pour les crimes présumés avoir été commis en République Centrafricaine (RCA) où le Bureau du Procureur poursuit ses enquêtes. L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo s’est tenue du 12 janvier 2009 au 15 janvier 2009.
En effet, Jean-Pierre Bemba, président et commandant en chef du Mouvement de Libération du Congo (MLC), fut arrêté le 24 mai 2008 par les autorités de la Belgique, suite à un mandat d’arrêt délivré sous scellés par la CPI le 23 mai 2008. Il a été remis à la CPI le 3 Juillet 2008 où il est détenu au quartier pénitentiaire situé dans la prison de Haaglanden, à Scheveningen (La Haye). Le 16 décembre 2008, sa demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par la Chambre préliminaire de la CPI.
Il est accusé de cinq chefs de crimes de guerre (viol, torture, atteinte à la dignité de la personne, pillage et meurtre) et de trois chefs de crimes contre l’humanité (viol, torture et meurtre) commis sur le territoire de la RCA. Ces crimes auraient été commis pendant la période allant au moins du 25 octobre 2002 au 15 mars 2003, où un conflit armé prolongé a eu lieu en RCA, opposant d’une part une partie des forces armées nationales de Mr. Ange Félix Patassé, Président de la RCA à cette époque, alliées à des combattants du MLC dirigées par Jean-Pierre Bemba, et d’autre part les forces de Mr. François Bozizé, ancien Chef d’Etat major des forces armés centrafricaines. Dans le cadre de ce conflit armé, les forces du MLC auraient mené une attaque systématique ou généralisée contre la population civile et auraient commis les crimes susmentionnés, notamment dans Bangui, Point Kilomètre 12 (« PK 12 »), Point Kilomètre 22 (« PK 22 »), Mongoumba, Bossangoa, Damara, Bossembélé, Sibut, Bozoum, Kabo, Batangafo, Kaga-Bandoro et Bossemptélé.
Suite à cette audience dite de confirmation de charge – qui a tenté de déterminer si les charges retenues contre Jean-Pierre Bemba peuvent être confirmées pour permettre le début d’un procès -, conformément à la norme 53 du Règlement de la Cour, la Chambre préliminaire III doit rendre sa décision par écrit dans un délai de 60 jours à compter de la fin de l’audience de confirmation des charges. Elle doit donc endéans ce délai, décider de confirmer ou non les charges retenues par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba et de le renvoyer, le cas échéant, en procès. Ainsi, tous les yeux sont maintenant braqués sur les trois juges. C’est donc d’ici le 15 mars 2009 que nous saurions si Jean Pierre Bemba sera relaxé ou pas.
Sans préjuger sur le fond, relevons tout simplement que quatre scénarios sont possibles. La Chambre préliminaire peut :
• Confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y a des preuves suffisantes, auquel cas l’affaire est renvoyée en jugement ;
• Refuser de confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y a pas de preuves suffisantes ;
• Ajourner l’audience et demander au Procureur d’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes ;
• Ajourner l’audience et demander au Procureur de modifier toute charge pour laquelle les éléments de preuve produits semblent établir qu’un autre crime que celui qui est reproché a été commis.
Notons qu’en cas de procès proprement dit, tout se jouera sur la question de la responsabilité pénale de Jean-Pierre Bemba pour les crimes prétendument commis par les troupes sous son commandement. Le point suivant essaye donc de mettre de l’eau au moulin en essayant de décortiquer le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique, ce terrain glissant sur lequel tout le combat juridico-politique de l’affaire Jean-Pierre Bemba se déroulera.
III. Les contours de la responsabilité du supérieur hiérarchique
Telle qu’une partie de ping-pong, l’accusation et la défense ne cessent de se lancer des quolibets fustigeant la responsabilité engagée ou non de Jean-Pierre Bemba. En effet, il ressort de l’accusation que Jean-Pierre Bemba est le président et commandant en chef du MLC. Il était investi d’une autorité de jure et de facto par les membres de ce mouvement pour prendre toutes les décisions tant sur le plan politique que militaire.
De ce fait, il savait que le comportement des membres du MLC s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile centrafricaine puisqu’il s’est rendu au moins deux fois en RCA et que, lors de ces visites, il a été informé des plaintes de la population locale concernant les crimes qui auraient été commis par les membres du MLC. Ce qui est réfuté par la défense. En effet, pour les avocats de Jean-Pierre Bemba, nul ne peut prétendre accuser leur client- Bemba- dans une affaire où il n’était ni dans la chaîne de commandement, ni dans le dispositif logistique arrêté pour faire face à la rébellion. Ses hommes en armes avaient été mis à la disposition de l’Etat-Major de l’armée Centrafricaine, placés sous la férule de Patassé. C’est donc ce dernier qui est responsable et non Jean-Pierre Bemba. En conséquence, cette affaire nécessite de voir comment la notion de responsabilité du supérieur pour les actes du subordonné est née, constituée et évolue.
3.1. Évolution et Base légale
La notion de la responsabilité du supérieur pour les actes du subordonné n’est pas nouvelle. Elle fut reconnue en 1907 par la Convention de la Haye. Dans le rapport préliminaire présenté à la Conférence de paix, à Versailles, le 29 mars 1919, a été reconnue la possibilité d’attribuer la responsabilité sur les personnes en position d’autorité qui ont failli à leur devoir de prévenir les violations des lois ou coutumes de la guerre commises au cours de la Première Guerre Mondiale. Aussi, le Statut du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) consacrent la responsabilité criminelle d’un supérieur qui savait ou avait des raisons de savoir » qu’un subordonné était sur le point de commettre un crime ou avait commis un acte criminel, et que, en tant qui supérieur, « s’est abstenu de prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir de tels actes ou punir leurs auteurs. Ainsi, les supérieurs qui s’abstiennent de prévenir ou de réprimer les actes illégaux de leurs subordonnés peuvent engager leur responsabilité.
La CPI n’est pas en reste. Cette notion de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques est consacrée par l’article 28 du Statut de Rome. Sur pied dudit article, outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du Statut de Rome pour des crimes relevant de la compétence de la CPI :
a. Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :
I) ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et
II) ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;
b. En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :
I) le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;
II) ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et
III) le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.
Ainsi, le supérieur hiérarchique encourt une responsabilité pour cause d’omission ou d’infraction commise par une personne placée sous son contrôle. Tel est semble-t-il, la raison pour laquelle Monsieur Jean-Pierre Bemba est attrait devant la CPI. C’est pour répondre des actes et faits infractionnels au regard du Statut de Rome commis par les soldats du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) en République Centrafricaine (RCA) dont il est et fut président et conséquemment, supérieur hiérarchique et/ou chef militaire. Il sied ici de noter que trois éléments fondent cette responsabilité du supérieur hiérarchique et qu’il est nécessaire de décortiquer pour la bonne compréhension et sur base desquels l’accusation et la défense dans l’affaire Bemba vont s’empoigner comme du temps des romains - nous espérons cette fois, loyalement-.
3.2. Le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique
Trois éléments fondent cette responsabilité du supérieur hiérarchique : La qualification du supérieur hiérarchique, la connaissance ou les informations qui peuvent y conduire et l’obligation de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer l’infraction.
A. La qualification du supérieur hiérarchique
Cet élément est important car, il ne s’agit pas de n’importe quel supérieur placé dans la chaîne de commandement, mais seulement d’un supérieur qui a une responsabilité personnelle à l’égard de l’auteur des agissements en question, parce que ce dernier, étant son subordonné, se trouvait placé sous son contrôle. Cela ne signifie pas que la responsabilité pénale de ceux qui, par omission, ont eux-mêmes directement causé une infraction grave n’est pas engagée. Du point de vue objectif, il est nécessaire que les activités criminelles des subordonnés relèvent du domaine effectif de responsabilité et de contrôle du supérieur hiérarchique.
Toutefois, la notion de « supérieur » est plus large et doit être prise dans une perspective hiérarchique englobant la notion de contrôle. En réalité, la notion du supérieur s’applique à toute personne investie d’un pouvoir hiérarchique. Néanmoins, ce principe ne se limite pas aux personnes ayant été officiellement désignées comme commandants ; il recouvre aussi bien l’autorité de facto que de jure. C’est-à-dire, bien que la capacité effective du supérieur hiérarchique soit un critère pertinent, il ne faut pas nécessairement que le supérieur ait été juridiquement habilité à empêcher ou à punir les actes commis par ses subordonnés. L’élément qu’il convient de retenir est sa capacité matérielle qui, au lieu de donner des ordres ou de prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se traduire par le fait d’adresser des rapports aux autorités compétentes afin qu’elles prennent des mesures appropriées.
Soulignons en outre que le principe de responsabilité du supérieur hiérarchique ne manque pas de poser problème quant à son application. En effet, la grande difficulté reste la mesure dans laquelle elle est engagée, d’autant plus que la preuve de son existence n’est pas facile à rapporter. Il est vrai que les cas d’imputabilité personnelle en cas de commission d’un acte criminel posé par la personne incriminée sont faciles à relever, mais il arrive que les faits soient présentés différemment et qu’il soit difficile de prouver la responsabilité de tel ou tel criminel. Mais, il est toujours possible d’établir le lien qui unit le supérieur à un subordonné. Ce lien fait généralement ressortir une responsabilité pour omission dans le cas du supérieur hiérarchique.
B. La connaissance ou les informations qui peuvent y conduire
Si le supérieur savait et si la preuve peut être apportée qu’une infraction était commise ou allait être commise par exemple parce qu’il a eu connaissance d’actes préparatoires ou de violations antérieures, le problème ne se posera pas. Dans le cas contraire, il peut se poser en revanche des problèmes d’appréciation.
Certes, la connaissance ne saurait être présumée. Cependant, cette connaissance peut être établie sur la base des moyens de preuves directs ou conjecturaux. Ainsi, par exemple, pour établir que le supérieur avait nécessairement la connaissance requise, on peut tenir compte entre autres du nombre, du type et de la portée des actes illégaux, la période durant laquelle ils se sont produits, le nombre et le type de soldats qui y ont participé, les moyens logistiques éventuellement mis en oeuvre, le lieu géographique des actes, le caractère généralisé des actes illégaux similaires, les officiers et le personnel impliqués et le lieu où se trouvait le commandant au moment où les actes ont été accomplis.
En règle générale, le défaut de connaissance ne dégage pas les supérieurs hiérarchiques de leurs responsabilités si cette ignorance est imputable à une faute de leur part. Le fait que les infractions sont de notoriété publique, nombreuses, étalées dans le temps et dans l’espace est à prendre en considération lorsqu’il s’agit de présumer que les personnes responsables ne pouvaient pas les ignorer. Si donc un commandant a exercé la diligence due dans l’accomplissement de ses devoirs mais ignore pourtant que des crimes sont sur le point d’être commis ou l’ont été, cette ignorance ne peut être retenue contre lui. Cependant, lorsque compte tenu de sa position personnelle dans la hiérarchie et des circonstances du moment, l’ignorance résulte d’une négligence dans l’accomplissement de ses devoirs, elle ne saurait constituer un moyen de défense car, ce commandant avait des raisons de savoir.
C. L’obligation de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer l’infraction
Le principe ici est que le supérieur hiérarchique responsable informé doit agir pour empêcher ou réprimer l’infraction. Cette règle vise aussi bien les commandants directs que leurs supérieurs et exige aussi bien des actions préventives que des actions répressives. Mais elle limite raisonnablement l’obligation des supérieurs aux mesures pratiquement possibles, car il n’est pas toujours possible d’empêcher une infraction ou de punir ses auteurs.
Ces personnes violent leurs devoirs et engagent leur responsabilité si elles s’abstiennent de prendre les mesures qui s’imposent ou si, les ayant prises, elles n’en assurent pas l’application continuelle et efficace. Cette responsabilité subsiste si, ayant connaissance que les violations sont commises, elles s’abstiennent de prendre les mesures appropriées et qui sont en leur pouvoir pour les prévenir à l’avenir.
En fait, cette responsabilité qu’encourt le supérieur hiérarchique dans cette circonstance (ne pas prendre les mesures appropriées pour arrêter les actes criminels) découle d’une omission de sa part. Évidemment, les mesures à prendre dépendent du poste occupé par le supérieur. Il s’ensuit que c’est à la lumière du degré effectif de contrôle du commandant, de sa capacité matérielle, qu’il convient de déterminer si le commandant a raisonnablement pris les mesures requises pour empêcher le crime ou en punir les auteurs. Partant, dans certaines circonstances, un commandant peut s’acquitter de son obligation d’empêcher ou de punir en signalant l’affaire aux autorités compétentes.
IV. Affaire Jean-Pierre Bemba : Un Cocktail Molotov ?
Depuis l’arrestation de Jean-Pierre Bemba, le champagne a coulé dans certaines sphères politico-judiciaires du monde. Ainsi, avec ce cas que d’aucuns qualifient d’affaire du « gros poisson », la justice internationale semble être au devant de la scène. Cela est d’autant vrai car, au regard de l’état dans lequel se trouve la justice nationale actuellement dans la plupart des pays africains concernés par les affaires devant la CPI (RDC, RCA, Soudan et Ouganda), il n’est que normal que la justice internationale soit au devant de la scène dans la lutte contre l’impunité. Tout en ayant à l’esprit que la justice internationale vient renforcer celle nationale. Ainsi, l’on doit faire confiance aux deux échelles de la justice « nationale et internationale » car elles ne sont que les deux facettes d’une même pièce de monnaie. La justice internationale est complémentaire à la justice nationale pour que les criminels ne puissent vaquer librement et dans toute impunité à leurs besognes. Toutes concourent donc vers le rétablissement de la vérité et de la justice, car il est honteux et inadmissible de constater que malgré, l’ampleur et l’horreur des crimes perpétrés dans le monde et en Afrique, seule une poignée de responsables – dans la plupart de temps, des démunis et « petits poissons » - sont déférés à la justice.
Malheureusement, la justice internationale ne fait pas que d’heureux. Il sied ici de relever que depuis cette affaire –Bemba-, certains observateurs estiment que la RDC est devenu un champ d’expérimentation de la CPI et les Congolais ses cobayes. L’on rétorquerait aisément qu’il n’y a pas que des Congolais et des crimes commis en RDC qui soient concernés par la CPI. Il y a le cas des Ougandais avec Joseph Kony et ses Généraux, le cas du Soudan, etc. Il se pose juste un problème d’exécution de ces mandats d’arrêt internationaux ou mieux de coopération des Etats pour exécuter ces mandats. Mais au finish, n’y a-t-il pas une certaine dose politique dans la sélection et traitement des dossiers ?
La réponse à cette question est une interpellation qui vaut son pesant d’or afin qu’il n’y ait pas une justice à double ou quatre vitesses ; une justice des « blancs » et celle des « noirs ». Les tergiversations dans les affaires du Soudan et de l’Ouganda n’augurent rien de bon ! Le silence –coupable- au sujet des crimes internationaux commis en Irak, en Afghanistan, dans la bande de Gaza, etc… laisse croire que malgré la CPI, il y a encore des intouchables qui se cachent derrière le fait qu’ils ne sont pas parties au Statut de Rome pour échapper à la justice internationale. Cela suscite une question : Quid du Soudan qui n’est pas aussi Etat partie au statut de Rome ? Dans ce cas, le Conseil de Sécurité de l’ONU a usé de son pouvoir pour déférer l’affaire du Darfour à la compétence de la CPI –comme c’est permis par le Statut de Rome en matière de saisine. Est-ce une démonstration que toute chose n’est pas égale par ailleurs ? Ainsi, le cas Bemba risque de jeter de l’huile au feu si la politique influe sur la justice.
V. Que conclure alors que le dossier reste tout entier ?
Notons que l’on ne doit récolter que ce que l’on aura semé. Si nous semons la haine, les crimes et bien, nous récolterons que haine et crimes. Les gouvernants et gouvernés du monde et particulièrement de l’Afrique - actuels et à venir- doivent avoir à l’esprit que nous vivons désormais dans un village planétaire, ou le moindre habitant des antipodes deviendrait notre plus proche voisin. La justice pénale n’a pas été en reste et, au fil des ans, on a vu se bâtir une architecture supranationale censée prendre le relais ou, du moins, jouer les garde-fous d’une justice nationale qui n’est exempte ni de faiblesses, ni d’errements. Ainsi, ils doivent savoir que l’impunité dont ont bénéficié les auteurs des pires atrocités infligées à l’humanité, à savoir les crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crimes de torture, n’est plus de mise. Ils seront une fois prouvés responsables des crimes sous le coup de la justice.
Toutefois, dans toutes les affaires qui sont pendantes devant la CPI, il sied pour nous tous d’avoir présent à l’esprit qu’en vertu du principe de « la présomption d’innocence » qui veut que toute personne soit présumée innocente jusqu’à ce qu’une décision de justice finale coulée en force de chose jugée ne le condamne, la libération éventuelle de qui que ce soit ne peut étonner personne. Jean-Pierre Bemba est présumé innocent car aucune décision finale ne l’a condamné. Si la Cour peut estimer que les moyens de preuve ne sont suffisants pour fonder sa conviction, il ne serait que normal que le prévenu soit relaxé. Mais, la crainte dans cette affaire est que cela ne puisse faire tache d’huile sur le plan purement politique. Ça risque de fragiliser la confiance que les peuples placent dans la justice surtout internationale. Il sied donc pour la CPI de bien examiner cette situation.
Mais, au demeurant, peut-on juger et condamner Jean-Pierre Bemba, en l’absence de sieurs Patassé et Bozizé ? Cela me fait penser à la fable de la fontaine : « tous étaient frappés, mais tous n’en mourraient pas ! » La crédibilité de la Cour est toute dans la manière dont elle dira le droit, dans cette affaire. Il va de soi que la justice internationale soit à la hauteur des attentes des uns et autres. Attendons donc de voir dans 60 jours -soit d’ici le 15 mars 2009-, si oui ou non il « existe des motifs raisonnables de croire » que Jean-Pierre Bemba est l’auteur des crimes dont il est accusé, pour nous faire l’idée sur cette affaire qui est au carrefour de plusieurs aspirations et contradictions. Wait and see !
*********
Maître YAV KATSHUNG JOSEPH est Docteur en Droit de l’Université de Lubumbashi (UNILU), Master en Droits de l’Homme et Démocratisation en Afrique de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, Diplômé en Justice Transitionnelle (Cape Town), Diplômé d’Etudes Supérieures (D.E.S) en Droit de l’UNILU et Licencié en Droit de l’UNILU.
Il est auteur de plusieurs livres , articles scientifiques et avis en français et anglais. Il est Professeur Associe à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi en RDC et Avocat au Barreau de Lubumbashi.
Il est en outre Chercheur et Consultant international auprès de plusieurs institutions et organisations internationales, régionales et nationales.
Il coordonne la Chaire UNESCO des Droits de l’Homme /Antenne de l’Université de Lubumbashi et dirige le CERDH (Centre d’Etudes et de Recherche en Droits de l’Homme, Démocratie et Justice Transitionnelle).
Email 1 : info@joseyav.com / Email 2 : info@controlecitoyen.com
Website : www.joseyav.com / Website : www.controlecitoyen.com
L’Afrique, particulièrement l’Afrique Centrale et la région des Grands Lacs, est souvent confrontée au difficile héritage des graves violations et abus des droits de l’homme. Encre, salive voire le sang ont coulé et continuent de couler sans que justice ne soit – effectivement - faite.
Dans cette quête de justice, la Cour Pénale Internationale (CPI) fut créée par le traité de Rome du 17 juillet 1998 (Traité ou Statut de Rome). Le Statut de Rome exigeait 60 ratifications pour sa création ou son entrée en vigueur. Ces 60 ratifications ont été rassemblées en 2002 et la République Démocratique du Congo (RDC) est le 60e pays qui a déposé ses instruments de ratification le 11 avril 2002 pour permettre à cette Cour de fonctionner à partir du 1er juillet 2002. À partir de cette date, les crimes de génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre, relèvent de la compétence de ladite Cour.
Le Statut a introduit en son sein un principe important qu’est la responsabilité des chefs militaires et des chefs hiérarchiques. Ce principe déroge du principe pénal de la responsabilité pénale individuelle en posant l’axiome qu’en cas de commission d’un crime de la compétence de la CPI, le défaut du chef militaire ou du supérieur hiérarchique, ayant eu connaissance des faits, de prévenir ou de mettre fin ou même de sanctionner engage sa responsabilité pour le crime commis par les hommes placés sous son commandement.
Ce principe est aujourd’hui au cœur d’un débat fort passionné à travers le monde à la suite de l’arrestation du Sénateur Jean Pierre Bemba par la Belgique sur base du mandat d’arrêt international lancé en son encontre par la CPI et des vacillements dans le dossier de Thomas Lubanga.
Le principe de responsabilité du supérieur hiérarchique ne manque pas de poser problème quant à son application. En effet, la grande difficulté reste la mesure dans laquelle elle est engagée, d’autant plus que la preuve de son existence n’est pas facile à rapporter. Il est vrai que les cas d’imputabilité personnelle en cas de commission d’un acte criminel posé par la personne incriminée sont faciles à relever, mais il arrive que les faits soient présentés différemment et qu’il soit difficile de prouver la responsabilité de tel ou tel criminel. Certes, il est des cas qui s’expliquent par eux-mêmes car on connaît d’avance qui agit sous le contrôle de qui, encore que dans d’autres circonstances, le lien de subordination entre tel subordonné et tel supérieur n’apparaît pas à première vue. D’où l’intérêt de l’affaire Jean-Pierre Bemba qui nous donne l’occasion de cogiter sur les contours et les méandres de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique, notion plus qu’importante dans la continuation et l’aboutissement de l’affaire a quo. Toutefois, il est opportun de relever que loin pour nous l’idée - dans la présente réflexion - de prendre position sur la culpabilité ou non de Monsieur Jean-Pierre Bemba.
II. Des faits reprochés à Jean-Pierre Bemba et l’état de la procédure à ce jour
Jean-Pierre Bemba est le premier suspect de la CPI pour les crimes présumés avoir été commis en République Centrafricaine (RCA) où le Bureau du Procureur poursuit ses enquêtes. L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo s’est tenue du 12 janvier 2009 au 15 janvier 2009.
En effet, Jean-Pierre Bemba, président et commandant en chef du Mouvement de Libération du Congo (MLC), fut arrêté le 24 mai 2008 par les autorités de la Belgique, suite à un mandat d’arrêt délivré sous scellés par la CPI le 23 mai 2008. Il a été remis à la CPI le 3 Juillet 2008 où il est détenu au quartier pénitentiaire situé dans la prison de Haaglanden, à Scheveningen (La Haye). Le 16 décembre 2008, sa demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par la Chambre préliminaire de la CPI.
Il est accusé de cinq chefs de crimes de guerre (viol, torture, atteinte à la dignité de la personne, pillage et meurtre) et de trois chefs de crimes contre l’humanité (viol, torture et meurtre) commis sur le territoire de la RCA. Ces crimes auraient été commis pendant la période allant au moins du 25 octobre 2002 au 15 mars 2003, où un conflit armé prolongé a eu lieu en RCA, opposant d’une part une partie des forces armées nationales de Mr. Ange Félix Patassé, Président de la RCA à cette époque, alliées à des combattants du MLC dirigées par Jean-Pierre Bemba, et d’autre part les forces de Mr. François Bozizé, ancien Chef d’Etat major des forces armés centrafricaines. Dans le cadre de ce conflit armé, les forces du MLC auraient mené une attaque systématique ou généralisée contre la population civile et auraient commis les crimes susmentionnés, notamment dans Bangui, Point Kilomètre 12 (« PK 12 »), Point Kilomètre 22 (« PK 22 »), Mongoumba, Bossangoa, Damara, Bossembélé, Sibut, Bozoum, Kabo, Batangafo, Kaga-Bandoro et Bossemptélé.
Suite à cette audience dite de confirmation de charge – qui a tenté de déterminer si les charges retenues contre Jean-Pierre Bemba peuvent être confirmées pour permettre le début d’un procès -, conformément à la norme 53 du Règlement de la Cour, la Chambre préliminaire III doit rendre sa décision par écrit dans un délai de 60 jours à compter de la fin de l’audience de confirmation des charges. Elle doit donc endéans ce délai, décider de confirmer ou non les charges retenues par le Procureur à l’encontre de Jean-Pierre Bemba et de le renvoyer, le cas échéant, en procès. Ainsi, tous les yeux sont maintenant braqués sur les trois juges. C’est donc d’ici le 15 mars 2009 que nous saurions si Jean Pierre Bemba sera relaxé ou pas.
Sans préjuger sur le fond, relevons tout simplement que quatre scénarios sont possibles. La Chambre préliminaire peut :
• Confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y a des preuves suffisantes, auquel cas l’affaire est renvoyée en jugement ;
• Refuser de confirmer les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y a pas de preuves suffisantes ;
• Ajourner l’audience et demander au Procureur d’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes ;
• Ajourner l’audience et demander au Procureur de modifier toute charge pour laquelle les éléments de preuve produits semblent établir qu’un autre crime que celui qui est reproché a été commis.
Notons qu’en cas de procès proprement dit, tout se jouera sur la question de la responsabilité pénale de Jean-Pierre Bemba pour les crimes prétendument commis par les troupes sous son commandement. Le point suivant essaye donc de mettre de l’eau au moulin en essayant de décortiquer le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique, ce terrain glissant sur lequel tout le combat juridico-politique de l’affaire Jean-Pierre Bemba se déroulera.
III. Les contours de la responsabilité du supérieur hiérarchique
Telle qu’une partie de ping-pong, l’accusation et la défense ne cessent de se lancer des quolibets fustigeant la responsabilité engagée ou non de Jean-Pierre Bemba. En effet, il ressort de l’accusation que Jean-Pierre Bemba est le président et commandant en chef du MLC. Il était investi d’une autorité de jure et de facto par les membres de ce mouvement pour prendre toutes les décisions tant sur le plan politique que militaire.
De ce fait, il savait que le comportement des membres du MLC s’inscrivait dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile centrafricaine puisqu’il s’est rendu au moins deux fois en RCA et que, lors de ces visites, il a été informé des plaintes de la population locale concernant les crimes qui auraient été commis par les membres du MLC. Ce qui est réfuté par la défense. En effet, pour les avocats de Jean-Pierre Bemba, nul ne peut prétendre accuser leur client- Bemba- dans une affaire où il n’était ni dans la chaîne de commandement, ni dans le dispositif logistique arrêté pour faire face à la rébellion. Ses hommes en armes avaient été mis à la disposition de l’Etat-Major de l’armée Centrafricaine, placés sous la férule de Patassé. C’est donc ce dernier qui est responsable et non Jean-Pierre Bemba. En conséquence, cette affaire nécessite de voir comment la notion de responsabilité du supérieur pour les actes du subordonné est née, constituée et évolue.
3.1. Évolution et Base légale
La notion de la responsabilité du supérieur pour les actes du subordonné n’est pas nouvelle. Elle fut reconnue en 1907 par la Convention de la Haye. Dans le rapport préliminaire présenté à la Conférence de paix, à Versailles, le 29 mars 1919, a été reconnue la possibilité d’attribuer la responsabilité sur les personnes en position d’autorité qui ont failli à leur devoir de prévenir les violations des lois ou coutumes de la guerre commises au cours de la Première Guerre Mondiale. Aussi, le Statut du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) consacrent la responsabilité criminelle d’un supérieur qui savait ou avait des raisons de savoir » qu’un subordonné était sur le point de commettre un crime ou avait commis un acte criminel, et que, en tant qui supérieur, « s’est abstenu de prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir de tels actes ou punir leurs auteurs. Ainsi, les supérieurs qui s’abstiennent de prévenir ou de réprimer les actes illégaux de leurs subordonnés peuvent engager leur responsabilité.
La CPI n’est pas en reste. Cette notion de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques est consacrée par l’article 28 du Statut de Rome. Sur pied dudit article, outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du Statut de Rome pour des crimes relevant de la compétence de la CPI :
a. Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :
I) ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et
II) ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;
b. En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :
I) le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;
II) ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et
III) le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.
Ainsi, le supérieur hiérarchique encourt une responsabilité pour cause d’omission ou d’infraction commise par une personne placée sous son contrôle. Tel est semble-t-il, la raison pour laquelle Monsieur Jean-Pierre Bemba est attrait devant la CPI. C’est pour répondre des actes et faits infractionnels au regard du Statut de Rome commis par les soldats du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) en République Centrafricaine (RCA) dont il est et fut président et conséquemment, supérieur hiérarchique et/ou chef militaire. Il sied ici de noter que trois éléments fondent cette responsabilité du supérieur hiérarchique et qu’il est nécessaire de décortiquer pour la bonne compréhension et sur base desquels l’accusation et la défense dans l’affaire Bemba vont s’empoigner comme du temps des romains - nous espérons cette fois, loyalement-.
3.2. Le fondement de la responsabilité du supérieur hiérarchique
Trois éléments fondent cette responsabilité du supérieur hiérarchique : La qualification du supérieur hiérarchique, la connaissance ou les informations qui peuvent y conduire et l’obligation de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer l’infraction.
A. La qualification du supérieur hiérarchique
Cet élément est important car, il ne s’agit pas de n’importe quel supérieur placé dans la chaîne de commandement, mais seulement d’un supérieur qui a une responsabilité personnelle à l’égard de l’auteur des agissements en question, parce que ce dernier, étant son subordonné, se trouvait placé sous son contrôle. Cela ne signifie pas que la responsabilité pénale de ceux qui, par omission, ont eux-mêmes directement causé une infraction grave n’est pas engagée. Du point de vue objectif, il est nécessaire que les activités criminelles des subordonnés relèvent du domaine effectif de responsabilité et de contrôle du supérieur hiérarchique.
Toutefois, la notion de « supérieur » est plus large et doit être prise dans une perspective hiérarchique englobant la notion de contrôle. En réalité, la notion du supérieur s’applique à toute personne investie d’un pouvoir hiérarchique. Néanmoins, ce principe ne se limite pas aux personnes ayant été officiellement désignées comme commandants ; il recouvre aussi bien l’autorité de facto que de jure. C’est-à-dire, bien que la capacité effective du supérieur hiérarchique soit un critère pertinent, il ne faut pas nécessairement que le supérieur ait été juridiquement habilité à empêcher ou à punir les actes commis par ses subordonnés. L’élément qu’il convient de retenir est sa capacité matérielle qui, au lieu de donner des ordres ou de prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se traduire par le fait d’adresser des rapports aux autorités compétentes afin qu’elles prennent des mesures appropriées.
Soulignons en outre que le principe de responsabilité du supérieur hiérarchique ne manque pas de poser problème quant à son application. En effet, la grande difficulté reste la mesure dans laquelle elle est engagée, d’autant plus que la preuve de son existence n’est pas facile à rapporter. Il est vrai que les cas d’imputabilité personnelle en cas de commission d’un acte criminel posé par la personne incriminée sont faciles à relever, mais il arrive que les faits soient présentés différemment et qu’il soit difficile de prouver la responsabilité de tel ou tel criminel. Mais, il est toujours possible d’établir le lien qui unit le supérieur à un subordonné. Ce lien fait généralement ressortir une responsabilité pour omission dans le cas du supérieur hiérarchique.
B. La connaissance ou les informations qui peuvent y conduire
Si le supérieur savait et si la preuve peut être apportée qu’une infraction était commise ou allait être commise par exemple parce qu’il a eu connaissance d’actes préparatoires ou de violations antérieures, le problème ne se posera pas. Dans le cas contraire, il peut se poser en revanche des problèmes d’appréciation.
Certes, la connaissance ne saurait être présumée. Cependant, cette connaissance peut être établie sur la base des moyens de preuves directs ou conjecturaux. Ainsi, par exemple, pour établir que le supérieur avait nécessairement la connaissance requise, on peut tenir compte entre autres du nombre, du type et de la portée des actes illégaux, la période durant laquelle ils se sont produits, le nombre et le type de soldats qui y ont participé, les moyens logistiques éventuellement mis en oeuvre, le lieu géographique des actes, le caractère généralisé des actes illégaux similaires, les officiers et le personnel impliqués et le lieu où se trouvait le commandant au moment où les actes ont été accomplis.
En règle générale, le défaut de connaissance ne dégage pas les supérieurs hiérarchiques de leurs responsabilités si cette ignorance est imputable à une faute de leur part. Le fait que les infractions sont de notoriété publique, nombreuses, étalées dans le temps et dans l’espace est à prendre en considération lorsqu’il s’agit de présumer que les personnes responsables ne pouvaient pas les ignorer. Si donc un commandant a exercé la diligence due dans l’accomplissement de ses devoirs mais ignore pourtant que des crimes sont sur le point d’être commis ou l’ont été, cette ignorance ne peut être retenue contre lui. Cependant, lorsque compte tenu de sa position personnelle dans la hiérarchie et des circonstances du moment, l’ignorance résulte d’une négligence dans l’accomplissement de ses devoirs, elle ne saurait constituer un moyen de défense car, ce commandant avait des raisons de savoir.
C. L’obligation de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer l’infraction
Le principe ici est que le supérieur hiérarchique responsable informé doit agir pour empêcher ou réprimer l’infraction. Cette règle vise aussi bien les commandants directs que leurs supérieurs et exige aussi bien des actions préventives que des actions répressives. Mais elle limite raisonnablement l’obligation des supérieurs aux mesures pratiquement possibles, car il n’est pas toujours possible d’empêcher une infraction ou de punir ses auteurs.
Ces personnes violent leurs devoirs et engagent leur responsabilité si elles s’abstiennent de prendre les mesures qui s’imposent ou si, les ayant prises, elles n’en assurent pas l’application continuelle et efficace. Cette responsabilité subsiste si, ayant connaissance que les violations sont commises, elles s’abstiennent de prendre les mesures appropriées et qui sont en leur pouvoir pour les prévenir à l’avenir.
En fait, cette responsabilité qu’encourt le supérieur hiérarchique dans cette circonstance (ne pas prendre les mesures appropriées pour arrêter les actes criminels) découle d’une omission de sa part. Évidemment, les mesures à prendre dépendent du poste occupé par le supérieur. Il s’ensuit que c’est à la lumière du degré effectif de contrôle du commandant, de sa capacité matérielle, qu’il convient de déterminer si le commandant a raisonnablement pris les mesures requises pour empêcher le crime ou en punir les auteurs. Partant, dans certaines circonstances, un commandant peut s’acquitter de son obligation d’empêcher ou de punir en signalant l’affaire aux autorités compétentes.
IV. Affaire Jean-Pierre Bemba : Un Cocktail Molotov ?
Depuis l’arrestation de Jean-Pierre Bemba, le champagne a coulé dans certaines sphères politico-judiciaires du monde. Ainsi, avec ce cas que d’aucuns qualifient d’affaire du « gros poisson », la justice internationale semble être au devant de la scène. Cela est d’autant vrai car, au regard de l’état dans lequel se trouve la justice nationale actuellement dans la plupart des pays africains concernés par les affaires devant la CPI (RDC, RCA, Soudan et Ouganda), il n’est que normal que la justice internationale soit au devant de la scène dans la lutte contre l’impunité. Tout en ayant à l’esprit que la justice internationale vient renforcer celle nationale. Ainsi, l’on doit faire confiance aux deux échelles de la justice « nationale et internationale » car elles ne sont que les deux facettes d’une même pièce de monnaie. La justice internationale est complémentaire à la justice nationale pour que les criminels ne puissent vaquer librement et dans toute impunité à leurs besognes. Toutes concourent donc vers le rétablissement de la vérité et de la justice, car il est honteux et inadmissible de constater que malgré, l’ampleur et l’horreur des crimes perpétrés dans le monde et en Afrique, seule une poignée de responsables – dans la plupart de temps, des démunis et « petits poissons » - sont déférés à la justice.
Malheureusement, la justice internationale ne fait pas que d’heureux. Il sied ici de relever que depuis cette affaire –Bemba-, certains observateurs estiment que la RDC est devenu un champ d’expérimentation de la CPI et les Congolais ses cobayes. L’on rétorquerait aisément qu’il n’y a pas que des Congolais et des crimes commis en RDC qui soient concernés par la CPI. Il y a le cas des Ougandais avec Joseph Kony et ses Généraux, le cas du Soudan, etc. Il se pose juste un problème d’exécution de ces mandats d’arrêt internationaux ou mieux de coopération des Etats pour exécuter ces mandats. Mais au finish, n’y a-t-il pas une certaine dose politique dans la sélection et traitement des dossiers ?
La réponse à cette question est une interpellation qui vaut son pesant d’or afin qu’il n’y ait pas une justice à double ou quatre vitesses ; une justice des « blancs » et celle des « noirs ». Les tergiversations dans les affaires du Soudan et de l’Ouganda n’augurent rien de bon ! Le silence –coupable- au sujet des crimes internationaux commis en Irak, en Afghanistan, dans la bande de Gaza, etc… laisse croire que malgré la CPI, il y a encore des intouchables qui se cachent derrière le fait qu’ils ne sont pas parties au Statut de Rome pour échapper à la justice internationale. Cela suscite une question : Quid du Soudan qui n’est pas aussi Etat partie au statut de Rome ? Dans ce cas, le Conseil de Sécurité de l’ONU a usé de son pouvoir pour déférer l’affaire du Darfour à la compétence de la CPI –comme c’est permis par le Statut de Rome en matière de saisine. Est-ce une démonstration que toute chose n’est pas égale par ailleurs ? Ainsi, le cas Bemba risque de jeter de l’huile au feu si la politique influe sur la justice.
V. Que conclure alors que le dossier reste tout entier ?
Notons que l’on ne doit récolter que ce que l’on aura semé. Si nous semons la haine, les crimes et bien, nous récolterons que haine et crimes. Les gouvernants et gouvernés du monde et particulièrement de l’Afrique - actuels et à venir- doivent avoir à l’esprit que nous vivons désormais dans un village planétaire, ou le moindre habitant des antipodes deviendrait notre plus proche voisin. La justice pénale n’a pas été en reste et, au fil des ans, on a vu se bâtir une architecture supranationale censée prendre le relais ou, du moins, jouer les garde-fous d’une justice nationale qui n’est exempte ni de faiblesses, ni d’errements. Ainsi, ils doivent savoir que l’impunité dont ont bénéficié les auteurs des pires atrocités infligées à l’humanité, à savoir les crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crimes de torture, n’est plus de mise. Ils seront une fois prouvés responsables des crimes sous le coup de la justice.
Toutefois, dans toutes les affaires qui sont pendantes devant la CPI, il sied pour nous tous d’avoir présent à l’esprit qu’en vertu du principe de « la présomption d’innocence » qui veut que toute personne soit présumée innocente jusqu’à ce qu’une décision de justice finale coulée en force de chose jugée ne le condamne, la libération éventuelle de qui que ce soit ne peut étonner personne. Jean-Pierre Bemba est présumé innocent car aucune décision finale ne l’a condamné. Si la Cour peut estimer que les moyens de preuve ne sont suffisants pour fonder sa conviction, il ne serait que normal que le prévenu soit relaxé. Mais, la crainte dans cette affaire est que cela ne puisse faire tache d’huile sur le plan purement politique. Ça risque de fragiliser la confiance que les peuples placent dans la justice surtout internationale. Il sied donc pour la CPI de bien examiner cette situation.
Mais, au demeurant, peut-on juger et condamner Jean-Pierre Bemba, en l’absence de sieurs Patassé et Bozizé ? Cela me fait penser à la fable de la fontaine : « tous étaient frappés, mais tous n’en mourraient pas ! » La crédibilité de la Cour est toute dans la manière dont elle dira le droit, dans cette affaire. Il va de soi que la justice internationale soit à la hauteur des attentes des uns et autres. Attendons donc de voir dans 60 jours -soit d’ici le 15 mars 2009-, si oui ou non il « existe des motifs raisonnables de croire » que Jean-Pierre Bemba est l’auteur des crimes dont il est accusé, pour nous faire l’idée sur cette affaire qui est au carrefour de plusieurs aspirations et contradictions. Wait and see !
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Maître YAV KATSHUNG JOSEPH est Docteur en Droit de l’Université de Lubumbashi (UNILU), Master en Droits de l’Homme et Démocratisation en Afrique de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, Diplômé en Justice Transitionnelle (Cape Town), Diplômé d’Etudes Supérieures (D.E.S) en Droit de l’UNILU et Licencié en Droit de l’UNILU.
Il est auteur de plusieurs livres , articles scientifiques et avis en français et anglais. Il est Professeur Associe à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi en RDC et Avocat au Barreau de Lubumbashi.
Il est en outre Chercheur et Consultant international auprès de plusieurs institutions et organisations internationales, régionales et nationales.
Il coordonne la Chaire UNESCO des Droits de l’Homme /Antenne de l’Université de Lubumbashi et dirige le CERDH (Centre d’Etudes et de Recherche en Droits de l’Homme, Démocratie et Justice Transitionnelle).
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vendredi 21 novembre 2008
When Reality contradicts Rhetoric: Civilians Protection in the DRC
By Dr. Joseph Yav Katshung
Introduction
In September 2005, world leaders at the United Nations endorsed a historic declaration that the international community has a “responsibility… to help protect populations from genocide, ethnic cleansing, war crimes and crimes against humanity” and expressed a willingness to take timely and decisive action when states “manifestly fail” to protect their own populations from these threats.
Despite the collective shame and regret expressed over genocides and related atrocities, gross violations of human rights, and mass killings continue in the Great lakes region of Africa and in DRC in particular. Conflict, violence and religious radicalism continue to undermine the maintenance of peace and security and the promotion of human rights in the region. Civilians bear the heaviest brunt of acts of terror, wars, and criminal violence. How best to effectively respond to this threat, is the central question this brief sets out to discuss.
Protecting civilians in the DRC: A nightmare?
A clear picture of civilian suffering in the DRC has just been painted in the second Cross-Cutting Report of the Security Council Report dealing with Protection of Civilians. It is clear from this report that ‘over the past 14 years, the DRC has experienced continuous instability and a civil war that took an extremely heavy toll on the civilian population. The numbers are vast: from the spill-over from the Rwandan genocide in 1994, to the 1996-1998 and the 1998-2003 civil wars and the ensuing political transitions, millions of civilians died of conflict-related causes and hundreds of thousands of others were displaced. The second civil war alone is estimated to have led to the death of between 3.3 and 5.4 million civilians, which ranks it as the world’s deadliest conflict since World War II. The war involved dozens of rebel groups-both Congolese and foreign, including Rwandan “génocidaires”, the LRA and the Angolan UNITA-in addition to other African countries: Rwanda, Uganda, Burundi, Sudan, Angola, Zimbabwe, Chad and Namibia.’
Today, the DRC continues to face instability in its eastern provinces and resulting abuse against the civilian population. The primary causes are the recalcitrant foreign and Congolese militias (in particular the Rwandan Forces démocratiques de libération du Rwanda, or FDLR, the LRA and General Laurent Nkunda’s forces), the resulting controversial relations between the DRC and Rwanda/Uganda, and the lack of discipline and integration within the government’s security forces.
The current situation in eastern DRC is a tragic part of Africa’s contemporary history, despite international community’s pledge to never let another chaotic situation happen again in this region. It is a failure of governments, international organisations and the UN Security Council to generate the necessary political will to protect the world’s citizens. In this line, the United Nations Mission in the DR Congo (MONUC), the biggest international peacekeeping mission, has been criticized by an increasingly angry population for failing to prevent the advance of rebels led by Laurent Nkunda. There are also reports that hundreds of protesters had attacked the mission's headquarters, saying the UN was not doing enough to protect them. Demonstrators are angry that the 17,000-strong UN force has not better protected them against an offensive by rebel forces.
Against this background, someone can ask if MONUC is really a “Mission” or an “Omission” in protecting civilians? It is therefore clear that the development of law, norms and political mechanisms to allow collective intervention in crisis situations is of little more than academic value if it is not accompanied by a political will to protect civilians.
With political will, rhetoric can be transformed into reality
With sufficient political will - on the part of Africa and on the part of the international community –protecting civilians in Africa can be enhanced. Governments must not wait to act until images of death, destruction and mass displacements are shown on TV screens. With political will, rhetoric can be transformed into reality. Without it, not even the noblest sentiments will have a chance of success. Political will is also needed from the international community. Whenever the international community is committed to making a difference, it has proved that significant and rapid transformation can be achieved. Yet significant progress will require sustained international attention at the highest political levels over a period of years.
On a continent where gross human rights abuses and violence are rampant, African leaders have not demonstrated the will to exercise the African Union’s right to intervene to stem gross human rights violations in either a concerted or consistent manner. Yet the involvement of the international community – and of African states in particular – in seeking to promote peace and security remains ad hoc and inconsistent. Generating the political will to protect civilians remains therefore a priority in Africa. With sufficient political will - on the part of Africa and on the part of the international community – protection of civilians in Africa can be enhanced. Genocide and other related atrocities are not only a dark legacy of the past but a threat to the present and future of many societies.
It is Time to Demonstrate that Civilian Protection is a Shared Responsibility!
It should be noted that civilian protection is not just a responsibility of the government, armed forces, and other security apparatus but rather a collective and shared responsibility of the state, civil society groups and the international community. In this regard, the responses to protect civilians should immensely benefit from Vaclev Havel’s sagacious words, “we live in a new world, in which all of us must begin to bear responsibility for everything that occurs.” Besides a strong commitment, effective protection of civilian requires resources. Over time, civilian protection must not only become a norm but also a practice. Its success as a norm will rightly be judged on whether it has reduced the vulnerability of civilian populations to armed conflict, and on the extent to which human rights and humanitarian obligations are observed and enforced. Successful implementation of protection strategies requires the development of a comprehensive and holistic approach to security combined with the necessary political will.
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Dr Joseph Yav Katshung is an Associate Professor in the Faculty of Law at the University of Lubumbashi, an Advocate at the Lubumbashi Bar Association and the coordinator of the UNESCO Chair for Human Rights, Democracy, Good Governance, Conflict Resolution and Peace at the University of Lubumbashi, DRC. He can be contacted by Email at : info@joseyav.com By Fax: +1 501 638 4935 Web site: www.joseyav.com
Introduction
In September 2005, world leaders at the United Nations endorsed a historic declaration that the international community has a “responsibility… to help protect populations from genocide, ethnic cleansing, war crimes and crimes against humanity” and expressed a willingness to take timely and decisive action when states “manifestly fail” to protect their own populations from these threats.
Despite the collective shame and regret expressed over genocides and related atrocities, gross violations of human rights, and mass killings continue in the Great lakes region of Africa and in DRC in particular. Conflict, violence and religious radicalism continue to undermine the maintenance of peace and security and the promotion of human rights in the region. Civilians bear the heaviest brunt of acts of terror, wars, and criminal violence. How best to effectively respond to this threat, is the central question this brief sets out to discuss.
Protecting civilians in the DRC: A nightmare?
A clear picture of civilian suffering in the DRC has just been painted in the second Cross-Cutting Report of the Security Council Report dealing with Protection of Civilians. It is clear from this report that ‘over the past 14 years, the DRC has experienced continuous instability and a civil war that took an extremely heavy toll on the civilian population. The numbers are vast: from the spill-over from the Rwandan genocide in 1994, to the 1996-1998 and the 1998-2003 civil wars and the ensuing political transitions, millions of civilians died of conflict-related causes and hundreds of thousands of others were displaced. The second civil war alone is estimated to have led to the death of between 3.3 and 5.4 million civilians, which ranks it as the world’s deadliest conflict since World War II. The war involved dozens of rebel groups-both Congolese and foreign, including Rwandan “génocidaires”, the LRA and the Angolan UNITA-in addition to other African countries: Rwanda, Uganda, Burundi, Sudan, Angola, Zimbabwe, Chad and Namibia.’
Today, the DRC continues to face instability in its eastern provinces and resulting abuse against the civilian population. The primary causes are the recalcitrant foreign and Congolese militias (in particular the Rwandan Forces démocratiques de libération du Rwanda, or FDLR, the LRA and General Laurent Nkunda’s forces), the resulting controversial relations between the DRC and Rwanda/Uganda, and the lack of discipline and integration within the government’s security forces.
The current situation in eastern DRC is a tragic part of Africa’s contemporary history, despite international community’s pledge to never let another chaotic situation happen again in this region. It is a failure of governments, international organisations and the UN Security Council to generate the necessary political will to protect the world’s citizens. In this line, the United Nations Mission in the DR Congo (MONUC), the biggest international peacekeeping mission, has been criticized by an increasingly angry population for failing to prevent the advance of rebels led by Laurent Nkunda. There are also reports that hundreds of protesters had attacked the mission's headquarters, saying the UN was not doing enough to protect them. Demonstrators are angry that the 17,000-strong UN force has not better protected them against an offensive by rebel forces.
Against this background, someone can ask if MONUC is really a “Mission” or an “Omission” in protecting civilians? It is therefore clear that the development of law, norms and political mechanisms to allow collective intervention in crisis situations is of little more than academic value if it is not accompanied by a political will to protect civilians.
With political will, rhetoric can be transformed into reality
With sufficient political will - on the part of Africa and on the part of the international community –protecting civilians in Africa can be enhanced. Governments must not wait to act until images of death, destruction and mass displacements are shown on TV screens. With political will, rhetoric can be transformed into reality. Without it, not even the noblest sentiments will have a chance of success. Political will is also needed from the international community. Whenever the international community is committed to making a difference, it has proved that significant and rapid transformation can be achieved. Yet significant progress will require sustained international attention at the highest political levels over a period of years.
On a continent where gross human rights abuses and violence are rampant, African leaders have not demonstrated the will to exercise the African Union’s right to intervene to stem gross human rights violations in either a concerted or consistent manner. Yet the involvement of the international community – and of African states in particular – in seeking to promote peace and security remains ad hoc and inconsistent. Generating the political will to protect civilians remains therefore a priority in Africa. With sufficient political will - on the part of Africa and on the part of the international community – protection of civilians in Africa can be enhanced. Genocide and other related atrocities are not only a dark legacy of the past but a threat to the present and future of many societies.
It is Time to Demonstrate that Civilian Protection is a Shared Responsibility!
It should be noted that civilian protection is not just a responsibility of the government, armed forces, and other security apparatus but rather a collective and shared responsibility of the state, civil society groups and the international community. In this regard, the responses to protect civilians should immensely benefit from Vaclev Havel’s sagacious words, “we live in a new world, in which all of us must begin to bear responsibility for everything that occurs.” Besides a strong commitment, effective protection of civilian requires resources. Over time, civilian protection must not only become a norm but also a practice. Its success as a norm will rightly be judged on whether it has reduced the vulnerability of civilian populations to armed conflict, and on the extent to which human rights and humanitarian obligations are observed and enforced. Successful implementation of protection strategies requires the development of a comprehensive and holistic approach to security combined with the necessary political will.
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Dr Joseph Yav Katshung is an Associate Professor in the Faculty of Law at the University of Lubumbashi, an Advocate at the Lubumbashi Bar Association and the coordinator of the UNESCO Chair for Human Rights, Democracy, Good Governance, Conflict Resolution and Peace at the University of Lubumbashi, DRC. He can be contacted by Email at : info@joseyav.com By Fax: +1 501 638 4935 Web site: www.joseyav.com
La Motivation des Militaires, une Condition Essentielle pour la Restauration et la Sauvegarde de la Paix en RDC ?
Par Dr. Yav Katshung Joseph∗
I. Position du problème
Après des longues années d’instabilités et d’insécurités, la population de République Démocratique du Congo (RDC) était en droit de croire en une nouvelle ère, après les élections au niveau national et provincial et l’installation des institutions et autorités issues des urnes. C’était sans compter avec les velléités de certains acteurs politico-militaires du pays et/ou d’ailleurs. La RDC est à nouveau dans la saga de la guerre dans sa partie Est, qualifiée - à tort ou à raison- par certains comme le poumon de l’insécurité congolaise. Voilà plusieurs semaines que le conflit a repris entre la rébellion congolaise du général déchu Laurent Nkundabatware , et les forces gouvernementales. L'avance des troupes rebelles en direction de Goma, le chef lieu du Nord-Kivu, a provoqué l'exode de plusieurs dizaines de milliers de civils, entraînant semble-t-il, la déroute de l'armée congolaise présente sur place. Il a même été rapporté des cas de pillages et exactions. Quant à la MONUC, elle présente une neutralité à « géométrie variable » qui pousserait tout observateur à se poser si elle (la MONUC) est réellement une « Mission » ou une « Omission » des Nations Unies en RDC ? Retranchés dans leurs campements depuis des mois, les casques bleus ont laissé la population congolaise se débrouiller, prise au piège entre la violence des bandes armées gouvernementales et celle des bandes rebelles de Nkundabatware. Elle n'est intervenue, les 28 et 29 octobre dernier, que pour empêcher l'entrée des rebelles dans Goma.
Fort de ce qui précède, il était impérieux de réorganiser les choses dans le camp gouvernemental et dans cette quête, le Président Joseph Kabila vient de nommer en date du 17 novembre 2008, un nouveau chef d'état-major à la tête des armées. Il s’agit du Général Didier Etumba Longomba - qui a servi dans les ex-Forces armées zaïroises (FAZ), et originaire de la province de l'Equateur (nord-ouest) et dirigeait avant cette fonction, la force navale en remplacement du Général Dieudonné Kayembe. Cette nomination tombe à point nommé car l’armée avait besoin du tonus et/ou d’un autre souffle, après une nouvelle avancée de la rébellion dans la partie Est de la République. Mais est-elle suffisante pour faire face aux problèmes que pose les forces armées congolaises ? Reconnaissons que les forces régulières font faces aux multiples problèmes qui du reste, ne datent pas d’aujourd’hui – l’indiscipline, la démotivation, le manque de formation adéquate, les divisions internes, etc.-.
Le présent article jette un regard critique sur les corrélations possibles entre les conditions sociales des militaires et l’efficacité de l’armée. Il entend mettre l’accent sur le rôle que doit jouer l’armée congolaise appelée à devenir républicaine mais aussi sur la responsabilité de tout congolais afin que l’armée ne soit pas que de nom mais aussi de taille et de pointe dans sa mission de protéger nos frontières, les personnes et leurs biens.
II. Le rôle universel d’une armée et la situation en RDC
Il est universellement reconnu que les forces armées sont créées pour protéger la société; elles ont pour fonction de servir et de défendre la population dont elles sont issues. Cependant, pour mener à bien leur tâche, elles doivent occuper une position spéciale au sein de nos sociétés, surtout parce qu'elles sont les principaux détenteurs d'armes. Par ailleurs, dans n'importe quel pays, les militaires constituent un groupe très organisé et très discipliné, soudé par des traditions, des coutumes et des habitudes de travail, mais surtout par la nécessité d'agir ensemble et de pouvoir compter les uns sur les autres en temps de crise et de conflit - une dépendance qui peut littéralement être une question de vie ou de mort. Cette dépendance crée des liens et des loyautés solides et demande un niveau de cohésion dont peu d'autres professions peuvent se prévaloir. Ce sont ces qualités - la discipline, le dévouement et la loyauté - qui confèrent à la profession militaire son caractère particulier et qui, à certains égards, la distinguent du reste de la société.
Pouvons-nous sans froid aux yeux affirmer que l’armée congolaise remplit-elle ces qualités ? La balance pencherait vers le non. En effet, les accusations contre l'armée régulière ne sont pas nouvelles. En 2007, la MONUC estimait que 40% des violations des droits de l'Homme en RDC étaient le fait des Forces armées de la RDC (FARDC). Pour sa part, l’organisation Human Rights Watch (HRW) note que « …Mal entraînés, peu disciplinés, fréquemment non rétribués et manquant de l'essentiel, les soldats du gouvernement commettent de nombreux crimes au cours de pillages… ». Bien plus, Amnesty international renchérit que l’armée régulière commet des exécutions sommaires, arrestations arbitraires, violences sexuelles et pillages... La liste est longue, en particulier dans le Nord-Kivu en guerre. Il sied donc de s’arrêter un seul instant et réfléchir sur le pourquoi de cette situation au sein de nos forces armées ? Quelle thérapeutique administrer pour sortir de cette impasse et rétablir l’intégrité territoriale et la paix durable ? Ces questions sont nécessaires car il est proverbialement reconnu que quiconque veut aller loin, ménage sa monture ! Bien plus, qui veut la paix, prépare la guerre!
III. La question d’amélioration des conditions sociales des militaires congolais et son influence sur leur motivation et rendement.
Les échos en provenance du front à l’Est de la RDC corroborent le fait que l'armée congolaise est dans une situation très difficile. Elle n'est pas encore consolidée, avec une mauvaise gestion de fonds... On rapporte aussi que la corruption y est endémique. Sur le front, les fonds destinés au ravitaillement se volatilisent souvent avant d'arriver jusqu'à la troupe, encourageant immanquablement les soldats à la rapine ou aux pillages.
Ce cliché macabre est malheureusement la réalité dans plusieurs coins et recoins de la RDC. Il est donc temps de changer des fusils d’épaule et mettre les hommes et femmes de troupe dans des conditions ne fut-ce que minimales afin qu’ils assument leur mission. Oui, ventre affamé n’a point d’oreille, n’est-ce pas ?
La solde est un élément majeur de la condition du militaire. D’une certaine manière, elle reflète le prix qu’une nation accorde, en fonction de ses moyens, à ceux qui veulent la servir si besoin jusqu’au sacrifice du sang. Cependant, la situation des forces armées de la RDC n’est pas vraiment enviable et doit nous interpeller tous. En effet, déjà du temps du feu Président MOBUTU, le ton avait été lancé par le feu Général MAHELE , le 29 mai 1992 du haut de la tribune de la Conférence Nationale Souveraine, en s’exclamant en ces termes : “Vous venez de vous rendre compte de l'ensemble des conditions difficiles dans lesquelles évoluent le soldat congolais et sa famille. Ce constat est sombre à la suite de l'indifférence des Pouvoirs publics vis-à-vis de l'Armée. À ce sujet, des milliers d'hommes et de femmes, et surtout d'enfants, vous regardent fixement et vous interpellent pour savoir pourquoi et au nom de quoi le soldat congolais, depuis la Force publique, est privé d'avenir ? Serait-il irrémédiablement condamné à vivre ainsi, à s'éteindre ainsi en éternel quémandeur ?”
À l’époque du feu Président KABILA, nous avions assisté à un engouement effréné des jeunes pour l’armée car le solde était de 100 USD qui constituait une certaine fortune vers les années 1997 et 1998. Des étudiants finalistes n’avaient pas hésité d’arrêter avec les syllabus et avaient rejoint l’armée pour combattre l’ennemi. Peu à peu cette « fortune » s’est effritée au fur du temps jusqu'à ce qu’à ce jour, rares sont ceux qui touchent ne fut-ce que son équivalent - qui a dans l’entre-temps perdue sa valeur-.
Aujourd’hui, les militaires congolais ne disposent pas d’une véritable solde. Ils ne reçoivent qu’une «ration» dont le montant est fixé par un taux barémique provisoire. Ce taux bien que réévalué en janvier 2006, reste relativement faible. Un soldat touche l’équivalent de 25 USD par mois, un adjudant-chef 34 USD, quant au colonel, il reçoit l’équivalent de 50 USD. Les soldats des brigades « intégrées » touchent généralement leur solde mensuelle - 65 dollars - grâce au contrôle exercé par l'EUSEC.
Notons qu’outre la modicité de paiement mensuel des militaires, se pose le problème de sa régularité. Enfin, s’agissant de l’alimentation, les unités reçoivent mensuellement un fonds de ménage calculé sur la base de l’équivalent de 8 USD par homme et par mois, ce qui permet tout juste de fournir un repas quotidien pendant 10 à 15 jours.
Tout compte fait, l’on peut comprendre pourquoi le nombre d’exactions commises par les hommes en armes sur la population civile croit. Bien qu’il faille condamner ces actes et agissements, il est cependant nécessaire et urgent de mettre les hommes et femmes en armes à l’abri de sollicitudes. Cela est d’autant vrai car, tout soldat sait qu'il peut mourir au combat. Chose curieuse, son contrat avec la nation stipule qu'il défend le pays et que réciproquement le pays lui donne les moyens de se défendre. Ce qui semble ne pas être le cas en RDC et d’aucuns de se demander pourquoi mourir pour un pays qui ne semble pas se soucier de vous? Telle semble être la question à laquelle répondent les soldats congolais qui refusent de combattre ou qui désertent. Ils sont en un mot « démotivés ». Que faire?
IV. Notre responsabilité à tous
Face à cette démotivation des hommes et des femmes qui constituent les forces armées de la RDC, il est de notre responsabilité à tous de mettre la main à la patte afin de redorer le blason des vaillants militaires ainsi que de notre pays qui sont tristement à la une dans certains medias et milieux politico-diplomatiques. Il est curieux voire écœurant de constater qu’alors que les parlementaires et les ministres – au niveau national et provincial- pour ne citer qu’eux, se régalent et palpent des milliers des billets verts (dollars) ou des millions des francs congolais, les hommes et femmes en uniforme croupissent dans le noir avec une solde de misère comme indiquée supra. Cela fait que tout individu placé dans des conditions similaires, ne peut qu’être démotivé et se résigner de mourir pour la patrie qui l’a presque oubliée en ne le mettant pas à l’abri des sollicitudes. Pouvons-nous comprendre un seul instant que les députés nationaux et provinciaux roulent carrosse et bénéficient des avantages que d’aucuns qualifient d’immérités sous prétexte qu’ils doivent être à l’abri des sollicitations , mais que l’on ne garantisse pas des conditions minimales à ceux qui sont censés protéger les parlementaires, les gouvernants, la population et leurs biens.
Loin de nous l’idée de jeter des pierres aux députés- surtout ceux provinciaux- qualifiés par certains de « silence radio » , relevons tout simplement que les parlementaires peuvent faire que l’armée soit dotée des moyens suffisants et contrôler que les militaires soient régulièrement et adéquatement payés et/ou que leur argent ne soit pas détourné comme c’est presque devenu la norme en RDC. Les parlementaires sont donc en principe en mesure d'exercer leur contrôle sur l'armée. L'affaire n'est ni tabou ni relevant du secret-défense. En démocratie, le Parlement veille au fonctionnement de l'armée à travers « la définition des lois et règlements relatifs aux militaires », en votant son budget ou encore à travers la conformité de l'armée « avec la politique de sécurité nationale ». En commission parlementaire, les parlementaires doivent en principe recevoir tous les rapports détaillés sur les réformes envisagées ou entreprises dans les rangs de l'armée et peuvent organiser des auditions pour en savoir plus. Il est donc temps que nos parlementaires jouent leur rôle.
Bien plus, nous suggérons que durant cette période de guerre, que les « gagne beaucoup » contribuent à l’amélioration de la solde des militaires en acceptant de se débarrasser temporairement d’au moins 100 USD par mois et il en restera des milliers des dollars pour leur villégiature, extravagance, etc. Les « gagne petit » ne resteront pas non plus bras croisés car ils devront aussi contribuer. C’est ici le lieu de faire recours utile à la fameuse philosophie ou doctrine de « un (1) zaïre pour un grand Zaïre » de l’époque du MPR, Parti-Etat. Si chaque citoyen peut contribuer avec au moins un Franc Congolais (FC)-pourquoi pas 1000 FC- nous ferons un grand Congo. Ainsi, nous aurons par cette contribution à l’effort de guerre pour réarmer moralement, socialement et économiquement nos militaires. Mais, tout cela doit être fait dans la transparence pour éviter les cas d’abus et détournements pouvant entraîner des enrichissements sans cause et pousser certains, à la démotivation décriée.
Au gouvernement, nous réitérons les vœux du Professeur MWAYILA TSHIYEMBE qui souligne que “…le gouvernement de la République n'a besoin ni de tribaliser l'armée ni de la financer sur la possibilité de la créer. Parce que, sans armée, il n'y a pas d'Etat. L'armée est le bras de l'Etat pour agir en cas de coup dur, c'est-à-dire assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, assurer les libertés individuelles et assurer la survie des institutions. Quand elle est républicaine, l'armée, au-delà de protéger les personnes et leurs biens, d'assurer l'intégrité du territoire, a aussi la vocation de garantir les institutions républicaines et de défendre les valeurs de liberté. C'est pour cela qu'elle est républicaine. C'est dire que les autorités du pays ont l'obligation, sinon le devoir, de faire en sorte que le Congo retrouve ce qu'il a perdu de l'étoffe d'un pays référant en Afrique centrale, dans la région des Grands Lacs et dans le golfe de Guinée. Avoir une armée républicaine est la condition sine qua non de cette présence, de cette visibilité du Congo…”
Que dire de plus ? Sauf rappeler qu’afin de réussir les cinq chantiers de la République -certains diront même « cinq plus »-, en y ajoutant entre autres la paix et la sécurité humaine, il sied d’investir dans la femme et l’homme congolais, les acteurs de développement durable. S’ils ne sont pas embarqués dans le bateau de la reconstruction et du développement, il n’y aura point de salut ! Prenons donc conscience de mettre l’HOMME au centre de tout projet afin qu’il vive en toute dignité et en toute liberté : Voilà le chantier des chantiers. Mieux, le premier grand chantier ....
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∗ Maître YAV KATSHUNG JOSEPH est Docteur en Droit de l’Université de Lubumbashi (UNILU), Master en Droits de l’Homme et Démocratisation en Afrique de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, Diplômé en Justice Transitionnelle (Cape Town), Diplômé d’Etudes Supérieures (D.E.S) en Droit de l’UNILU et Licencié en Droit de l’UNILU. À son actif, il a également plusieurs articles scientifiques et avis en français et anglais. Il est Professeur Associe à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi en RDC et Avocat au Barreau de Lubumbashi. Il est en outre Chercheur et Consultant international auprès de plusieurs institutions et organisations internationales, régionales et nationales. Il coordonne la Chaire UNESCO des Droits de l’Homme /Antenne de l’Université de Lubumbashi et dirige le CERDH (Centre d’Etudes et de Recherche en Droits de l’Homme, Démocratie et Justice Transitionnelle). Email : info@joseyav.com Fax : +1 501 638 4935 Phone : +243 81 761 3662 Website : www.joseyav.com
I. Position du problème
Après des longues années d’instabilités et d’insécurités, la population de République Démocratique du Congo (RDC) était en droit de croire en une nouvelle ère, après les élections au niveau national et provincial et l’installation des institutions et autorités issues des urnes. C’était sans compter avec les velléités de certains acteurs politico-militaires du pays et/ou d’ailleurs. La RDC est à nouveau dans la saga de la guerre dans sa partie Est, qualifiée - à tort ou à raison- par certains comme le poumon de l’insécurité congolaise. Voilà plusieurs semaines que le conflit a repris entre la rébellion congolaise du général déchu Laurent Nkundabatware , et les forces gouvernementales. L'avance des troupes rebelles en direction de Goma, le chef lieu du Nord-Kivu, a provoqué l'exode de plusieurs dizaines de milliers de civils, entraînant semble-t-il, la déroute de l'armée congolaise présente sur place. Il a même été rapporté des cas de pillages et exactions. Quant à la MONUC, elle présente une neutralité à « géométrie variable » qui pousserait tout observateur à se poser si elle (la MONUC) est réellement une « Mission » ou une « Omission » des Nations Unies en RDC ? Retranchés dans leurs campements depuis des mois, les casques bleus ont laissé la population congolaise se débrouiller, prise au piège entre la violence des bandes armées gouvernementales et celle des bandes rebelles de Nkundabatware. Elle n'est intervenue, les 28 et 29 octobre dernier, que pour empêcher l'entrée des rebelles dans Goma.
Fort de ce qui précède, il était impérieux de réorganiser les choses dans le camp gouvernemental et dans cette quête, le Président Joseph Kabila vient de nommer en date du 17 novembre 2008, un nouveau chef d'état-major à la tête des armées. Il s’agit du Général Didier Etumba Longomba - qui a servi dans les ex-Forces armées zaïroises (FAZ), et originaire de la province de l'Equateur (nord-ouest) et dirigeait avant cette fonction, la force navale en remplacement du Général Dieudonné Kayembe. Cette nomination tombe à point nommé car l’armée avait besoin du tonus et/ou d’un autre souffle, après une nouvelle avancée de la rébellion dans la partie Est de la République. Mais est-elle suffisante pour faire face aux problèmes que pose les forces armées congolaises ? Reconnaissons que les forces régulières font faces aux multiples problèmes qui du reste, ne datent pas d’aujourd’hui – l’indiscipline, la démotivation, le manque de formation adéquate, les divisions internes, etc.-.
Le présent article jette un regard critique sur les corrélations possibles entre les conditions sociales des militaires et l’efficacité de l’armée. Il entend mettre l’accent sur le rôle que doit jouer l’armée congolaise appelée à devenir républicaine mais aussi sur la responsabilité de tout congolais afin que l’armée ne soit pas que de nom mais aussi de taille et de pointe dans sa mission de protéger nos frontières, les personnes et leurs biens.
II. Le rôle universel d’une armée et la situation en RDC
Il est universellement reconnu que les forces armées sont créées pour protéger la société; elles ont pour fonction de servir et de défendre la population dont elles sont issues. Cependant, pour mener à bien leur tâche, elles doivent occuper une position spéciale au sein de nos sociétés, surtout parce qu'elles sont les principaux détenteurs d'armes. Par ailleurs, dans n'importe quel pays, les militaires constituent un groupe très organisé et très discipliné, soudé par des traditions, des coutumes et des habitudes de travail, mais surtout par la nécessité d'agir ensemble et de pouvoir compter les uns sur les autres en temps de crise et de conflit - une dépendance qui peut littéralement être une question de vie ou de mort. Cette dépendance crée des liens et des loyautés solides et demande un niveau de cohésion dont peu d'autres professions peuvent se prévaloir. Ce sont ces qualités - la discipline, le dévouement et la loyauté - qui confèrent à la profession militaire son caractère particulier et qui, à certains égards, la distinguent du reste de la société.
Pouvons-nous sans froid aux yeux affirmer que l’armée congolaise remplit-elle ces qualités ? La balance pencherait vers le non. En effet, les accusations contre l'armée régulière ne sont pas nouvelles. En 2007, la MONUC estimait que 40% des violations des droits de l'Homme en RDC étaient le fait des Forces armées de la RDC (FARDC). Pour sa part, l’organisation Human Rights Watch (HRW) note que « …Mal entraînés, peu disciplinés, fréquemment non rétribués et manquant de l'essentiel, les soldats du gouvernement commettent de nombreux crimes au cours de pillages… ». Bien plus, Amnesty international renchérit que l’armée régulière commet des exécutions sommaires, arrestations arbitraires, violences sexuelles et pillages... La liste est longue, en particulier dans le Nord-Kivu en guerre. Il sied donc de s’arrêter un seul instant et réfléchir sur le pourquoi de cette situation au sein de nos forces armées ? Quelle thérapeutique administrer pour sortir de cette impasse et rétablir l’intégrité territoriale et la paix durable ? Ces questions sont nécessaires car il est proverbialement reconnu que quiconque veut aller loin, ménage sa monture ! Bien plus, qui veut la paix, prépare la guerre!
III. La question d’amélioration des conditions sociales des militaires congolais et son influence sur leur motivation et rendement.
Les échos en provenance du front à l’Est de la RDC corroborent le fait que l'armée congolaise est dans une situation très difficile. Elle n'est pas encore consolidée, avec une mauvaise gestion de fonds... On rapporte aussi que la corruption y est endémique. Sur le front, les fonds destinés au ravitaillement se volatilisent souvent avant d'arriver jusqu'à la troupe, encourageant immanquablement les soldats à la rapine ou aux pillages.
Ce cliché macabre est malheureusement la réalité dans plusieurs coins et recoins de la RDC. Il est donc temps de changer des fusils d’épaule et mettre les hommes et femmes de troupe dans des conditions ne fut-ce que minimales afin qu’ils assument leur mission. Oui, ventre affamé n’a point d’oreille, n’est-ce pas ?
La solde est un élément majeur de la condition du militaire. D’une certaine manière, elle reflète le prix qu’une nation accorde, en fonction de ses moyens, à ceux qui veulent la servir si besoin jusqu’au sacrifice du sang. Cependant, la situation des forces armées de la RDC n’est pas vraiment enviable et doit nous interpeller tous. En effet, déjà du temps du feu Président MOBUTU, le ton avait été lancé par le feu Général MAHELE , le 29 mai 1992 du haut de la tribune de la Conférence Nationale Souveraine, en s’exclamant en ces termes : “Vous venez de vous rendre compte de l'ensemble des conditions difficiles dans lesquelles évoluent le soldat congolais et sa famille. Ce constat est sombre à la suite de l'indifférence des Pouvoirs publics vis-à-vis de l'Armée. À ce sujet, des milliers d'hommes et de femmes, et surtout d'enfants, vous regardent fixement et vous interpellent pour savoir pourquoi et au nom de quoi le soldat congolais, depuis la Force publique, est privé d'avenir ? Serait-il irrémédiablement condamné à vivre ainsi, à s'éteindre ainsi en éternel quémandeur ?”
À l’époque du feu Président KABILA, nous avions assisté à un engouement effréné des jeunes pour l’armée car le solde était de 100 USD qui constituait une certaine fortune vers les années 1997 et 1998. Des étudiants finalistes n’avaient pas hésité d’arrêter avec les syllabus et avaient rejoint l’armée pour combattre l’ennemi. Peu à peu cette « fortune » s’est effritée au fur du temps jusqu'à ce qu’à ce jour, rares sont ceux qui touchent ne fut-ce que son équivalent - qui a dans l’entre-temps perdue sa valeur-.
Aujourd’hui, les militaires congolais ne disposent pas d’une véritable solde. Ils ne reçoivent qu’une «ration» dont le montant est fixé par un taux barémique provisoire. Ce taux bien que réévalué en janvier 2006, reste relativement faible. Un soldat touche l’équivalent de 25 USD par mois, un adjudant-chef 34 USD, quant au colonel, il reçoit l’équivalent de 50 USD. Les soldats des brigades « intégrées » touchent généralement leur solde mensuelle - 65 dollars - grâce au contrôle exercé par l'EUSEC.
Notons qu’outre la modicité de paiement mensuel des militaires, se pose le problème de sa régularité. Enfin, s’agissant de l’alimentation, les unités reçoivent mensuellement un fonds de ménage calculé sur la base de l’équivalent de 8 USD par homme et par mois, ce qui permet tout juste de fournir un repas quotidien pendant 10 à 15 jours.
Tout compte fait, l’on peut comprendre pourquoi le nombre d’exactions commises par les hommes en armes sur la population civile croit. Bien qu’il faille condamner ces actes et agissements, il est cependant nécessaire et urgent de mettre les hommes et femmes en armes à l’abri de sollicitudes. Cela est d’autant vrai car, tout soldat sait qu'il peut mourir au combat. Chose curieuse, son contrat avec la nation stipule qu'il défend le pays et que réciproquement le pays lui donne les moyens de se défendre. Ce qui semble ne pas être le cas en RDC et d’aucuns de se demander pourquoi mourir pour un pays qui ne semble pas se soucier de vous? Telle semble être la question à laquelle répondent les soldats congolais qui refusent de combattre ou qui désertent. Ils sont en un mot « démotivés ». Que faire?
IV. Notre responsabilité à tous
Face à cette démotivation des hommes et des femmes qui constituent les forces armées de la RDC, il est de notre responsabilité à tous de mettre la main à la patte afin de redorer le blason des vaillants militaires ainsi que de notre pays qui sont tristement à la une dans certains medias et milieux politico-diplomatiques. Il est curieux voire écœurant de constater qu’alors que les parlementaires et les ministres – au niveau national et provincial- pour ne citer qu’eux, se régalent et palpent des milliers des billets verts (dollars) ou des millions des francs congolais, les hommes et femmes en uniforme croupissent dans le noir avec une solde de misère comme indiquée supra. Cela fait que tout individu placé dans des conditions similaires, ne peut qu’être démotivé et se résigner de mourir pour la patrie qui l’a presque oubliée en ne le mettant pas à l’abri des sollicitudes. Pouvons-nous comprendre un seul instant que les députés nationaux et provinciaux roulent carrosse et bénéficient des avantages que d’aucuns qualifient d’immérités sous prétexte qu’ils doivent être à l’abri des sollicitations , mais que l’on ne garantisse pas des conditions minimales à ceux qui sont censés protéger les parlementaires, les gouvernants, la population et leurs biens.
Loin de nous l’idée de jeter des pierres aux députés- surtout ceux provinciaux- qualifiés par certains de « silence radio » , relevons tout simplement que les parlementaires peuvent faire que l’armée soit dotée des moyens suffisants et contrôler que les militaires soient régulièrement et adéquatement payés et/ou que leur argent ne soit pas détourné comme c’est presque devenu la norme en RDC. Les parlementaires sont donc en principe en mesure d'exercer leur contrôle sur l'armée. L'affaire n'est ni tabou ni relevant du secret-défense. En démocratie, le Parlement veille au fonctionnement de l'armée à travers « la définition des lois et règlements relatifs aux militaires », en votant son budget ou encore à travers la conformité de l'armée « avec la politique de sécurité nationale ». En commission parlementaire, les parlementaires doivent en principe recevoir tous les rapports détaillés sur les réformes envisagées ou entreprises dans les rangs de l'armée et peuvent organiser des auditions pour en savoir plus. Il est donc temps que nos parlementaires jouent leur rôle.
Bien plus, nous suggérons que durant cette période de guerre, que les « gagne beaucoup » contribuent à l’amélioration de la solde des militaires en acceptant de se débarrasser temporairement d’au moins 100 USD par mois et il en restera des milliers des dollars pour leur villégiature, extravagance, etc. Les « gagne petit » ne resteront pas non plus bras croisés car ils devront aussi contribuer. C’est ici le lieu de faire recours utile à la fameuse philosophie ou doctrine de « un (1) zaïre pour un grand Zaïre » de l’époque du MPR, Parti-Etat. Si chaque citoyen peut contribuer avec au moins un Franc Congolais (FC)-pourquoi pas 1000 FC- nous ferons un grand Congo. Ainsi, nous aurons par cette contribution à l’effort de guerre pour réarmer moralement, socialement et économiquement nos militaires. Mais, tout cela doit être fait dans la transparence pour éviter les cas d’abus et détournements pouvant entraîner des enrichissements sans cause et pousser certains, à la démotivation décriée.
Au gouvernement, nous réitérons les vœux du Professeur MWAYILA TSHIYEMBE qui souligne que “…le gouvernement de la République n'a besoin ni de tribaliser l'armée ni de la financer sur la possibilité de la créer. Parce que, sans armée, il n'y a pas d'Etat. L'armée est le bras de l'Etat pour agir en cas de coup dur, c'est-à-dire assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, assurer les libertés individuelles et assurer la survie des institutions. Quand elle est républicaine, l'armée, au-delà de protéger les personnes et leurs biens, d'assurer l'intégrité du territoire, a aussi la vocation de garantir les institutions républicaines et de défendre les valeurs de liberté. C'est pour cela qu'elle est républicaine. C'est dire que les autorités du pays ont l'obligation, sinon le devoir, de faire en sorte que le Congo retrouve ce qu'il a perdu de l'étoffe d'un pays référant en Afrique centrale, dans la région des Grands Lacs et dans le golfe de Guinée. Avoir une armée républicaine est la condition sine qua non de cette présence, de cette visibilité du Congo…”
Que dire de plus ? Sauf rappeler qu’afin de réussir les cinq chantiers de la République -certains diront même « cinq plus »-, en y ajoutant entre autres la paix et la sécurité humaine, il sied d’investir dans la femme et l’homme congolais, les acteurs de développement durable. S’ils ne sont pas embarqués dans le bateau de la reconstruction et du développement, il n’y aura point de salut ! Prenons donc conscience de mettre l’HOMME au centre de tout projet afin qu’il vive en toute dignité et en toute liberté : Voilà le chantier des chantiers. Mieux, le premier grand chantier ....
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∗ Maître YAV KATSHUNG JOSEPH est Docteur en Droit de l’Université de Lubumbashi (UNILU), Master en Droits de l’Homme et Démocratisation en Afrique de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, Diplômé en Justice Transitionnelle (Cape Town), Diplômé d’Etudes Supérieures (D.E.S) en Droit de l’UNILU et Licencié en Droit de l’UNILU. À son actif, il a également plusieurs articles scientifiques et avis en français et anglais. Il est Professeur Associe à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi en RDC et Avocat au Barreau de Lubumbashi. Il est en outre Chercheur et Consultant international auprès de plusieurs institutions et organisations internationales, régionales et nationales. Il coordonne la Chaire UNESCO des Droits de l’Homme /Antenne de l’Université de Lubumbashi et dirige le CERDH (Centre d’Etudes et de Recherche en Droits de l’Homme, Démocratie et Justice Transitionnelle). Email : info@joseyav.com Fax : +1 501 638 4935 Phone : +243 81 761 3662 Website : www.joseyav.com
mardi 5 février 2008
Ressources Naturelles et Conflits en Afrique, la Série Continue : La R.D.Congo et l’Ouganda de nouveau dans la danse ?
Dr. Maître YAV KATSHUNG JOSEPH
« J'espère qu'ils ne vont pas trouver de pétrole…
…Alors nous serons réellement en danger ». [Blood Diamond /Diamant de Sang)]
Introduction
Pour adapter une vieille métaphore, l'on dirait que quand la Région des Grands Lacs d'Afrique éternue, le monde entier, y compris l'Afrique, s’enrhume. Plusieurs éléments interconnectés ont influencé les conflits dans cette région, y compris les intérêts des pays voisins, la compétition autour des ressources naturelles et économiques, des préoccupations quant à l'instabilité et le manque de sécurité, ainsi que le chauvinisme ethnique, pour n'en citer que quelques-uns.
Les possibilités de trouver du pétrole dans la région des Grands Lacs semblent encore une fois dangereuses. Il semble que l'Ouganda et la République Démocratique du Congo aient ignoré ce que les prospecteurs croient être des réserves de pétrole allant jusqu'à un milliard de barils dans le Bassin Albertin qu'ils se partagent. Tout récemment, la région pétrolière de l'Est de la RDC était le théâtre d'affrontements qui se sont soldés par la mort de civils et de militaires, entre les armées congolaise et ougandaise. Des craintes existent de voir ce conflit s'étendre et embraser les frontières. Ceci pourrait mener à un autre cas de conflit autour des ressources, comme décrit dans un film récent intitulé “ Blood Diamond” (Diamant de Sang) où le vieil homme soupire : “J'espère qu'ils ne vont pas découvrir de pétrole. Alors nous serons réellement en danger.”
Oui, l'on pourrait dire que le vieil homme de ce film a raison; la région des Grands Lacs d'Afrique est réellement en danger. Si les possibilités réalistes de résolution et de transformation du conflit doivent être développées, des préoccupations à propos du pétrole et d'autres ressources devront être abordées.
Le présent article va mettre l'accent uniquement sur la question des ressources en tant que source de conflit ou ressource pour la paix et la reconstruction. Le texte ouvre aussi une perspective sur la manière de transformer les conflits en se servant des ressources en tant qu'instruments de réconciliation et de reconstruction dans la région des Grands Lacs.
Histoire du conflit autour des ressources dans la Région des Grands Lacs
L'une des questions les plus troublantes dans la région des Grands Lacs et spécialement dans le conflit en RDC a été, et continue d'être, celle de l'exploitation des ressources naturelles de la RDC. L'exploitation illégale des ressources minières de ce pays a été une caractéristique constante dans les débats sur la guerre en général et spécialement dans la partie Est du pays. Il y a un débat pour savoir si oui ou non l'exploitation des ressources minières est le principal but de l'intervention étrangère ou si les initiatives minières constituent un moyen de financer l'effort de guerre. Il a été établi depuis longtemps que l'exploitation de ces ressources, y compris le ‘coltan’ (colombo-tantalite), l'or, et les diamants à l'est du Congo, et les diamants, le cuivre, le cobalt et le bois au centre de la RDC ont contribué au conflit dans le pays et exacerbé ce dernier.
Préoccupé par les rapports de pillages de ressources par les forces étrangères, le Conseil de Sécurité de l'ONU avait mandaté un panel indépendant pour faire des enquêtes sur ces allégations. En effet, dans sa déclaration présidentielle datée du 2 juin 2000 (S/PRST/2000/20), le Conseil de Sécurité a demandé que le Secrétaire général crée un Panel d'Experts sur l'exploitation Illégale des ressources naturelles et des autres formes de richesses de la RDC. L'objectif était de rechercher et d'analyser les liens entre l'exploitation des ressources naturelles et autres formes de richesses en RDC et la poursuite du conflit.
Dans ses quatre rapports récents, le Panel d'Experts de l'ONU a cité les noms de Hauts officiers des armées ougandaise et rwandaise et de hautes autorités gouvernementales et leurs familles, dont on allègue qu'ils sont responsables de l'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC et d'autres abus. Il a aussi proposé que des mesures soient prises contre les Etats, les individus et les compagnies les plus impliqués dans l'exploitation, y compris les interdictions de voyage, les sanctions financières et les réductions en déboursements d'aide. En janvier 2003, en réponse aux plaintes soulevées par des compagnies et certains gouvernements, le mandat du Panel fut prolongé jusqu'au 31 octobre 2003.
Dans son rapport final du octobre 2003, le Panel a bien documenté le noyau de l'exploitation économique, du trafic d'armes et du conflit armé, en indiquant que l'exploitation illégale reste l'une des principales sources de financement des groupes impliqués dans la perpétuation du conflit. Le Panel des Experts a également listé des compagnies basées en Belgique, en Chine, en France, en Allemagne, en Israël, en Espagne, au Royaume-Uni, et aux Etats-Unis, dont on allègue qu'elles étaient impliquées dans le commerce illégal d'armes en RDC.
Par ailleurs, les acteurs régionaux ont été accusés d'agression d' « aventurisme étranger ». En d'autres termes, si les parties au conflit en RDC pourraient avoir été motivées au départ par des préoccupations sécuritaires, leur présence continue en RDC peut être attribuée aux gains économiques dérivés. Le rapport indique en outre que des groupes criminels liés aux armées du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe et le Gouvernement de la RDC ont bénéficié de tels conflits. Une telle situation est critique pour le processus de paix, parce que selon les rapports, ces « groupes ne se démantèleront pas volontairement… ils ont construit une économie de guerre auto-financée et axée sur l'exploitation minière ». La raison d’être de l'intervention des Etats voisins s’inscrit aujourd’hui dans une démarche auto-proclamée et les conflits limités à certaines zones sont devenus régionaux. De sorte que les conflits au sein des pays et entre pays de la région des Grands Lacs exigent des solutions basées et ciblées sur la région, de même que la coopération des autres Etats voisins influents.
Situation actuelle : La « guerre » pour le pétrole dans la Région des Grands Lacs d'Afrique
L'Ouganda et la RDC partagent le Lac Albert, qui est devenu une nouvelle frontière importante dans la recherche du pétrole sur le continent. Le Lac Albert, également appelé Albert Nyanza et antérieurement Lac Mobutu Sese Seko, est l'un des plus Grands Lacs d'Afrique. C'est le septième lac le plus grand d'Afrique, et le vingt-troisième dans le monde. Il est situé au centre du continent, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda. C'est le lac situé au nord au sein de la chaîne de lacs se trouvant dans la Grande Vallée du Rift; il compte près de 160 km de long et 30 km de large, avec une profondeur maximale de 51 m et une élévation superficielle de 619 m au-dessus du niveau de la mer. En 1864, l'explorateur Samuel Baker
découvrit le lac et lui donna le nom du défunt Prince Albert, époux de la Reine Victoria. L’ancien président congolais Mobutu lui donna aussi temporairement son propre nom.
Le conflit monte autour du pétrole trouvé dans le Lac Albert. Les estimations parlent de réserves d’environ 100 000 barils par jour pendant quelque dix ans, quand la production va commencer. Des tensions ont commencé à monter en fin juillet / début août lorsqu'une unité des Forces Armées Congolaises (FARDC) ont capturé quatre marins ougandais qui s'étaient apparemment perdus en direction de la côte occidentale congolaise du lac. Mais le 3 août, la situation devint plus grave. Les soldats des FARDC qui patrouillaient sur le lac ont attaqué une péniche de recherche de pétrole appartenant à la compagnie canadienne du nom "Heritage Oil Corporation" et ont tué un contractant Britannique qui travaillait pour elle. L'armée ougandaise réplique, tuant un soldat congolais dans l'échange de feu, tandis qu'un soldat ougandais était blessé. Depuis lors, la tension n'a cessé de monter le long de cette partie de la frontière ougando-congolaise qui s'étend du nord au sud sur le lac de 160 kilomètre - même si la ligne frontalière n'a jamais été déterminée avec précision.
Suite à la découverte du pétrole dans le Bassin Albertin, aussi bien l'armée ougandaise que l'armée congolaise se sont déployées lourdement autour des rives. Selon certains observateurs, il y a désormais une menace d'une guerre ouverte. Pour calmer les tensions, le président congolais Joseph Kabila et son homologue ougandais, le président Yoweri Museveni, ont tenu un sommet d'une journée en Tanzanie, le 8 septembre 2007, dans une tentative de résoudre le malentendu lié à la frontière. Ils ont signé un accord pour retirer immédiatement leurs troupes jusqu'à 150 kilomètres de la frontière afin d'apaiser les tensions autour du lac frontalier.
Ils ont aussi convenu de travailler ensemble pour explorer et exploiter le pétrole dans la région du Lac Albert, voire poser un pipeline conjoint pour distribuer le pétrole. L'accord a été signé en présence du président Tanzanien Jakaya Kikwete, des diplomates et des journalistes. Ils se sont également mis d'accord pour qu'une équipe conjointe commence le travail de démarcation de la zone disputée du lac. En outre, ils ont convenu de se rencontrer une fois par an et d'élever leurs missions diplomatiques au niveau d'ambassades pour améliorer les relations.
Cependant, peu de jours après la réunion et les accords, une autre confrontation militaire éclata sur le lac, le 24 septembre. Reuters rapporte que six civils avaient été tués lorsque les soldats ougandais avaient ouvert le feu sur une pirogue congolaise transportant des passagers sur le lac. Dans un rapport contradictoire sur I'incident, l'armée ougandaise indique que deux soldats avaient été tués, un de chaque côté, dans ce qu'elle appelle un affrontement armé au cours d'une dispute concernant un bateau de recherche de pétrole travaillant sur le lac frontalier. Il faut donc d'urgence transformer les ressources pour qu'elles cessent d'être une source de conflit et soient des options pour la réconciliation et la reconstruction dans la région des Grands Lacs.
Recommandations pour conclure : Faire passer les préoccupations autour du pétrole de Source de Conflit en facteur de Paix dans la Région des Grands Lacs
La réconciliation et la reconstruction sont les éléments essentiels de la construction de la paix. La clé pour transformer les conflits est la construction de relations fortes, équitables là où la méfiance et la crainte étaient la norme. Dans la région des Grands Lacs, comme dans beaucoup d'autres pays africains, le conflit violent est devenu l'état "normal" des relations. Le contrôle des ressources économiques est devenu un facteur important dans la motivation et le maintien des conflits armés. Les politiques économiques complexes qui se cachent souvent derrière les symboles externes de l'Etat et de la souveraineté nationale se sont enracinées dans la poursuite des conflits. Le défi est donc de transformer les économies régionales et nationales "parasites", qui comptent sur les conflits violents, en systèmes sains basés sur la participation politique, l'inclusion sociale et économique, et le respect des droits humains et de l'Etat de droit.
En conséquence, toute tentative de transformer les conflits pour assurer la réconciliation et la reconstruction dans la région exige la stimulation d'évolutions positives dans la région. De telles évolutions rassureront les pays affectés que leur sécurité et leurs intérêts économiques gagnent davantage à travers l'appui à la stabilité et l'amélioration des relations avec les voisins, plus qu'à travers l’instabilité chez les voisins pour les détourner de leur objectif de paix, de réconciliation, de démocratie, et de développement économique. Ignorer les tensions et le malentendu entre la RDC et l'Ouganda aura des conséquences de longue portée sur la stabilité et le développement socio-économique de la région, parce que les ressources seront détournées du développement humain et économique vers la guerre. Pour cette raison, il importe que ces pays coopèrent pour la restauration d'un dialogue pacifique et des relations cordiales entre les Etats.
À cet égard, des incursions armées et des affrontements peuvent conduire à des tensions croissantes et à un conflit armé ouvert entre Etats qui, si on ne s'en occupe pas promptement, affectera le bien-être et le développement socio-économique à long terme des deux populations. La région des Grands Lacs est riche en ressources naturelles qui sont en jeu pour beaucoup d'acteurs dans le conflit.
Cependant, les ressources naturelles cachent également les potentialités pour la réhabilitation et le développement post-conflit. Les pays devraient ainsi examiner les voies et moyens de limiter l'exploitation de telles ressources -spécialement le pétrole dans le cas présent- dans le but de financer le conflit. Ils devraient en outre chercher à identifier et à promouvoir les moyens par lesquels de telles ressources peuvent être sauvegardées et gérées quitte, à réduire le conflit et à assurer que la population en bénéficie.
Également, il est nécessaire de développer des institutions et des cadres pour l'intégration et la transformation de l'économie informelle en économie formelle, gouvernée par une législation raisonnable, la transparence et l'efficacité, sans marginaliser les acteurs locaux et régionaux.
-----------
REFERENCES
- UN Security Council “Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2001/357, 12 April 2001;
- UN Security Council “Addendum to the Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2001/1072, 13 November 2001;
- UN Security Council “Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2002/1146.
- UN Security Council “Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2002/1146
- Henry Wasswa, Uganda: Oil war fears. Growing military clashes between Uganda and DRC over oil threaten to turn into a full-blown war, Institute for War and Peace Reporting (IWPR), AR No. 136, 2-Oct-07
- “Confused Uganda-DRC border shooting kills 6: U.N.”, Sep 25, 2007
http://www.reuters.com/article/worldNews/idUSL2421970820070925?feedType=RSS&feedName=worldNews
- Kriesberg, L 1998. Constructive conflicts: from escalation to settlement. New
« J'espère qu'ils ne vont pas trouver de pétrole…
…Alors nous serons réellement en danger ». [Blood Diamond /Diamant de Sang)]
Introduction
Pour adapter une vieille métaphore, l'on dirait que quand la Région des Grands Lacs d'Afrique éternue, le monde entier, y compris l'Afrique, s’enrhume. Plusieurs éléments interconnectés ont influencé les conflits dans cette région, y compris les intérêts des pays voisins, la compétition autour des ressources naturelles et économiques, des préoccupations quant à l'instabilité et le manque de sécurité, ainsi que le chauvinisme ethnique, pour n'en citer que quelques-uns.
Les possibilités de trouver du pétrole dans la région des Grands Lacs semblent encore une fois dangereuses. Il semble que l'Ouganda et la République Démocratique du Congo aient ignoré ce que les prospecteurs croient être des réserves de pétrole allant jusqu'à un milliard de barils dans le Bassin Albertin qu'ils se partagent. Tout récemment, la région pétrolière de l'Est de la RDC était le théâtre d'affrontements qui se sont soldés par la mort de civils et de militaires, entre les armées congolaise et ougandaise. Des craintes existent de voir ce conflit s'étendre et embraser les frontières. Ceci pourrait mener à un autre cas de conflit autour des ressources, comme décrit dans un film récent intitulé “ Blood Diamond” (Diamant de Sang) où le vieil homme soupire : “J'espère qu'ils ne vont pas découvrir de pétrole. Alors nous serons réellement en danger.”
Oui, l'on pourrait dire que le vieil homme de ce film a raison; la région des Grands Lacs d'Afrique est réellement en danger. Si les possibilités réalistes de résolution et de transformation du conflit doivent être développées, des préoccupations à propos du pétrole et d'autres ressources devront être abordées.
Le présent article va mettre l'accent uniquement sur la question des ressources en tant que source de conflit ou ressource pour la paix et la reconstruction. Le texte ouvre aussi une perspective sur la manière de transformer les conflits en se servant des ressources en tant qu'instruments de réconciliation et de reconstruction dans la région des Grands Lacs.
Histoire du conflit autour des ressources dans la Région des Grands Lacs
L'une des questions les plus troublantes dans la région des Grands Lacs et spécialement dans le conflit en RDC a été, et continue d'être, celle de l'exploitation des ressources naturelles de la RDC. L'exploitation illégale des ressources minières de ce pays a été une caractéristique constante dans les débats sur la guerre en général et spécialement dans la partie Est du pays. Il y a un débat pour savoir si oui ou non l'exploitation des ressources minières est le principal but de l'intervention étrangère ou si les initiatives minières constituent un moyen de financer l'effort de guerre. Il a été établi depuis longtemps que l'exploitation de ces ressources, y compris le ‘coltan’ (colombo-tantalite), l'or, et les diamants à l'est du Congo, et les diamants, le cuivre, le cobalt et le bois au centre de la RDC ont contribué au conflit dans le pays et exacerbé ce dernier.
Préoccupé par les rapports de pillages de ressources par les forces étrangères, le Conseil de Sécurité de l'ONU avait mandaté un panel indépendant pour faire des enquêtes sur ces allégations. En effet, dans sa déclaration présidentielle datée du 2 juin 2000 (S/PRST/2000/20), le Conseil de Sécurité a demandé que le Secrétaire général crée un Panel d'Experts sur l'exploitation Illégale des ressources naturelles et des autres formes de richesses de la RDC. L'objectif était de rechercher et d'analyser les liens entre l'exploitation des ressources naturelles et autres formes de richesses en RDC et la poursuite du conflit.
Dans ses quatre rapports récents, le Panel d'Experts de l'ONU a cité les noms de Hauts officiers des armées ougandaise et rwandaise et de hautes autorités gouvernementales et leurs familles, dont on allègue qu'ils sont responsables de l'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC et d'autres abus. Il a aussi proposé que des mesures soient prises contre les Etats, les individus et les compagnies les plus impliqués dans l'exploitation, y compris les interdictions de voyage, les sanctions financières et les réductions en déboursements d'aide. En janvier 2003, en réponse aux plaintes soulevées par des compagnies et certains gouvernements, le mandat du Panel fut prolongé jusqu'au 31 octobre 2003.
Dans son rapport final du octobre 2003, le Panel a bien documenté le noyau de l'exploitation économique, du trafic d'armes et du conflit armé, en indiquant que l'exploitation illégale reste l'une des principales sources de financement des groupes impliqués dans la perpétuation du conflit. Le Panel des Experts a également listé des compagnies basées en Belgique, en Chine, en France, en Allemagne, en Israël, en Espagne, au Royaume-Uni, et aux Etats-Unis, dont on allègue qu'elles étaient impliquées dans le commerce illégal d'armes en RDC.
Par ailleurs, les acteurs régionaux ont été accusés d'agression d' « aventurisme étranger ». En d'autres termes, si les parties au conflit en RDC pourraient avoir été motivées au départ par des préoccupations sécuritaires, leur présence continue en RDC peut être attribuée aux gains économiques dérivés. Le rapport indique en outre que des groupes criminels liés aux armées du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe et le Gouvernement de la RDC ont bénéficié de tels conflits. Une telle situation est critique pour le processus de paix, parce que selon les rapports, ces « groupes ne se démantèleront pas volontairement… ils ont construit une économie de guerre auto-financée et axée sur l'exploitation minière ». La raison d’être de l'intervention des Etats voisins s’inscrit aujourd’hui dans une démarche auto-proclamée et les conflits limités à certaines zones sont devenus régionaux. De sorte que les conflits au sein des pays et entre pays de la région des Grands Lacs exigent des solutions basées et ciblées sur la région, de même que la coopération des autres Etats voisins influents.
Situation actuelle : La « guerre » pour le pétrole dans la Région des Grands Lacs d'Afrique
L'Ouganda et la RDC partagent le Lac Albert, qui est devenu une nouvelle frontière importante dans la recherche du pétrole sur le continent. Le Lac Albert, également appelé Albert Nyanza et antérieurement Lac Mobutu Sese Seko, est l'un des plus Grands Lacs d'Afrique. C'est le septième lac le plus grand d'Afrique, et le vingt-troisième dans le monde. Il est situé au centre du continent, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda. C'est le lac situé au nord au sein de la chaîne de lacs se trouvant dans la Grande Vallée du Rift; il compte près de 160 km de long et 30 km de large, avec une profondeur maximale de 51 m et une élévation superficielle de 619 m au-dessus du niveau de la mer. En 1864, l'explorateur Samuel Baker
découvrit le lac et lui donna le nom du défunt Prince Albert, époux de la Reine Victoria. L’ancien président congolais Mobutu lui donna aussi temporairement son propre nom.
Le conflit monte autour du pétrole trouvé dans le Lac Albert. Les estimations parlent de réserves d’environ 100 000 barils par jour pendant quelque dix ans, quand la production va commencer. Des tensions ont commencé à monter en fin juillet / début août lorsqu'une unité des Forces Armées Congolaises (FARDC) ont capturé quatre marins ougandais qui s'étaient apparemment perdus en direction de la côte occidentale congolaise du lac. Mais le 3 août, la situation devint plus grave. Les soldats des FARDC qui patrouillaient sur le lac ont attaqué une péniche de recherche de pétrole appartenant à la compagnie canadienne du nom "Heritage Oil Corporation" et ont tué un contractant Britannique qui travaillait pour elle. L'armée ougandaise réplique, tuant un soldat congolais dans l'échange de feu, tandis qu'un soldat ougandais était blessé. Depuis lors, la tension n'a cessé de monter le long de cette partie de la frontière ougando-congolaise qui s'étend du nord au sud sur le lac de 160 kilomètre - même si la ligne frontalière n'a jamais été déterminée avec précision.
Suite à la découverte du pétrole dans le Bassin Albertin, aussi bien l'armée ougandaise que l'armée congolaise se sont déployées lourdement autour des rives. Selon certains observateurs, il y a désormais une menace d'une guerre ouverte. Pour calmer les tensions, le président congolais Joseph Kabila et son homologue ougandais, le président Yoweri Museveni, ont tenu un sommet d'une journée en Tanzanie, le 8 septembre 2007, dans une tentative de résoudre le malentendu lié à la frontière. Ils ont signé un accord pour retirer immédiatement leurs troupes jusqu'à 150 kilomètres de la frontière afin d'apaiser les tensions autour du lac frontalier.
Ils ont aussi convenu de travailler ensemble pour explorer et exploiter le pétrole dans la région du Lac Albert, voire poser un pipeline conjoint pour distribuer le pétrole. L'accord a été signé en présence du président Tanzanien Jakaya Kikwete, des diplomates et des journalistes. Ils se sont également mis d'accord pour qu'une équipe conjointe commence le travail de démarcation de la zone disputée du lac. En outre, ils ont convenu de se rencontrer une fois par an et d'élever leurs missions diplomatiques au niveau d'ambassades pour améliorer les relations.
Cependant, peu de jours après la réunion et les accords, une autre confrontation militaire éclata sur le lac, le 24 septembre. Reuters rapporte que six civils avaient été tués lorsque les soldats ougandais avaient ouvert le feu sur une pirogue congolaise transportant des passagers sur le lac. Dans un rapport contradictoire sur I'incident, l'armée ougandaise indique que deux soldats avaient été tués, un de chaque côté, dans ce qu'elle appelle un affrontement armé au cours d'une dispute concernant un bateau de recherche de pétrole travaillant sur le lac frontalier. Il faut donc d'urgence transformer les ressources pour qu'elles cessent d'être une source de conflit et soient des options pour la réconciliation et la reconstruction dans la région des Grands Lacs.
Recommandations pour conclure : Faire passer les préoccupations autour du pétrole de Source de Conflit en facteur de Paix dans la Région des Grands Lacs
La réconciliation et la reconstruction sont les éléments essentiels de la construction de la paix. La clé pour transformer les conflits est la construction de relations fortes, équitables là où la méfiance et la crainte étaient la norme. Dans la région des Grands Lacs, comme dans beaucoup d'autres pays africains, le conflit violent est devenu l'état "normal" des relations. Le contrôle des ressources économiques est devenu un facteur important dans la motivation et le maintien des conflits armés. Les politiques économiques complexes qui se cachent souvent derrière les symboles externes de l'Etat et de la souveraineté nationale se sont enracinées dans la poursuite des conflits. Le défi est donc de transformer les économies régionales et nationales "parasites", qui comptent sur les conflits violents, en systèmes sains basés sur la participation politique, l'inclusion sociale et économique, et le respect des droits humains et de l'Etat de droit.
En conséquence, toute tentative de transformer les conflits pour assurer la réconciliation et la reconstruction dans la région exige la stimulation d'évolutions positives dans la région. De telles évolutions rassureront les pays affectés que leur sécurité et leurs intérêts économiques gagnent davantage à travers l'appui à la stabilité et l'amélioration des relations avec les voisins, plus qu'à travers l’instabilité chez les voisins pour les détourner de leur objectif de paix, de réconciliation, de démocratie, et de développement économique. Ignorer les tensions et le malentendu entre la RDC et l'Ouganda aura des conséquences de longue portée sur la stabilité et le développement socio-économique de la région, parce que les ressources seront détournées du développement humain et économique vers la guerre. Pour cette raison, il importe que ces pays coopèrent pour la restauration d'un dialogue pacifique et des relations cordiales entre les Etats.
À cet égard, des incursions armées et des affrontements peuvent conduire à des tensions croissantes et à un conflit armé ouvert entre Etats qui, si on ne s'en occupe pas promptement, affectera le bien-être et le développement socio-économique à long terme des deux populations. La région des Grands Lacs est riche en ressources naturelles qui sont en jeu pour beaucoup d'acteurs dans le conflit.
Cependant, les ressources naturelles cachent également les potentialités pour la réhabilitation et le développement post-conflit. Les pays devraient ainsi examiner les voies et moyens de limiter l'exploitation de telles ressources -spécialement le pétrole dans le cas présent- dans le but de financer le conflit. Ils devraient en outre chercher à identifier et à promouvoir les moyens par lesquels de telles ressources peuvent être sauvegardées et gérées quitte, à réduire le conflit et à assurer que la population en bénéficie.
Également, il est nécessaire de développer des institutions et des cadres pour l'intégration et la transformation de l'économie informelle en économie formelle, gouvernée par une législation raisonnable, la transparence et l'efficacité, sans marginaliser les acteurs locaux et régionaux.
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REFERENCES
- UN Security Council “Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2001/357, 12 April 2001;
- UN Security Council “Addendum to the Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2001/1072, 13 November 2001;
- UN Security Council “Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2002/1146.
- UN Security Council “Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth in the Democratic Republic of Congo”, S/2002/1146
- Henry Wasswa, Uganda: Oil war fears. Growing military clashes between Uganda and DRC over oil threaten to turn into a full-blown war, Institute for War and Peace Reporting (IWPR), AR No. 136, 2-Oct-07
- “Confused Uganda-DRC border shooting kills 6: U.N.”, Sep 25, 2007
http://www.reuters.com/article/worldNews/idUSL2421970820070925?feedType=RSS&feedName=worldNews
- Kriesberg, L 1998. Constructive conflicts: from escalation to settlement. New
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